La Bourgogne-Franche-Comté est un vaste territoire veiné de réseaux de toutes sortes. Face au défi de l’entretien de ces derniers, 10 000 salariés travaillent dans le secteur des TP majoritairement tenu par des entreprises familiales. À la tête de l’une d’elles, la plus importante d’entre toutes, Vincent Martin préside aussi la fédération régionale du secteur, la FRTP. Selon lui, ouvrir des voies c’est ouvrir des perspectives.
Propos recueillis par Dominique Bruillot
Photo : Jean-Luc Petit
Dijon Capitale. La Bourgogne est vaste, plus encore la Franche-Comté, sommes-nous pour autant dans une région suffisamment consommatrice de travaux publics pour assurer le déploiement des infrastructures de notre territoire ?
Vincent Martin. La Bourgogne-Franche-Comté est effectivement un haut lieu touristique et de passage, du fait d’un réseau routier, autoroutier et ferroviaire particulièrement dense et dynamisant pour notre région. Pour autant, bien des efforts seraient encore à consentir pour entretenir nos infrastructures, notamment en zone rurale car, à terme, les territoires ruraux vont s’éteindre. Chacun sait en effet que des infrastructures de qualité dynamisent l’économie et son développement. L’ambition des Climats de Bourgogne appelle ainsi une route des vins digne de ce nom or, aujourd’hui, le réseau routier qui longe le vignoble n’est pas à la hauteur des ambitions affichées.
On résume souvent (et à tort) le monde des TP à la réalisation des routes. En réalité, cette partie visible des chantiers masque bien d’autres compétences. Quels sont justement vos autres métiers ?
Nous sommes des bâtisseurs de réseaux. Des bâtisseurs de routes, voies ferrées, voies navigables et zones portuaires avec le génie civil y afférant : ponts, viaducs, murs de soutènements… Mais aussi les réseaux d’eau et d’assainissement, jusqu’aux stations d’épuration, ou encore les réseaux de gaz et électriques en intégrant la mise en valeur du bâti par la lumière, et bien entendu, la régulation du trafic (feux tricolores notamment). Ne pas oublier non plus les terrassements du bâti, les plates-formes en tout genre (logistique, parking…) et le déploiement tant attendu de la fibre optique.
80 % des entreprises bourguignonnes de TP sont indépendantes, souvent familiales. Ce particularisme régional est-il un avantage ? Si oui, en quoi ?
Nous proclamons auprès des élus « l’emploi durablement implanté sur le territoire ». Que l’on parle de TPE, PME, ETI ou groupes nationaux, ce qui importe, c’est que l’économie des TP, à travers les emplois générés, revienne aux territoires. La FRTP ne réunit-elle pas elle-même ce qui est épars, notamment en terme de typologie d’entreprise ? Au demeurant, il est vrai que les PME sont très présentes dans le secteur TP de notre territoire bourguignon, à hauteur de plus de 80 % des entreprises.
En Bourgogne-Franche-Comté, votre secteur représente près de 950 entreprises et 10 000 emplois dont 6 800 pour le seul territoire bourguignon. Soit plus que la taille d’une ville comme Nuits-Saint-Georges. Cela vous donne-t-il un poids dans la société civile ? Auprès des décideurs notamment ?
Effectivement, nos entreprises sont implantées au plus proche des territoires et, bien souvent, elles emploient une main d’œuvre qui réside à proximité des sièges ou centres de décisions de nos entreprises. Au-delà de notre action de « générateurs d’économie » par la qualité des infrastructures que nous construisons, nous générons également une économie qui revient ipso facto aux territoires où sont implantées nos entreprises…
Vous êtes à la tête d’un groupe familial qui emploie 1 200 personnes. Y-a-t-il une taille d’entreprise au-delà de laquelle il est difficile de rester indépendant ? D’ailleurs, est-ce vraiment un avantage que d’être indépendant sur ce type de marché ?
Il n’y a pas de taille « type » d’entreprise mais seulement une belle équipe et de bons collaborateurs compétents et réactifs. Être indépendant est un gage de pérennité. La proximité et la réactivité sont le corolaire de l’indépendance financière.
On annonce 250 millions d’euros pour la réalisation et les aménagements de la Cité de la gastronomie et des vins à Dijon. Après la fin des travaux du « tram », cette nouvelle arrive à point nommé, non ?
Ce chantier d’envergure arrive effectivement à point nommé car cette opération peut mobiliser 250 emplois rien que pour les TP, pour un chiffre d’affaires de 250 millions d’euros environ. La RCEA, la Lino, le « tram », ces grands chantiers structurants servent d’amortisseurs de crise. A ce jour notre appareil de production est surdimensionné.
Quels sont les grands chantiers qui vous sembleraient judicieux de voir naître pour entretenir l’élan dont bénéficie le secteur des TP ?
Ceux que nous avons présenté à la préfète et à la présidente de la Région, Marie-Guite Dufay. Parmi lesquels quelques dossiers de la première importance dont le déploiement du numérique sur l’ensemble des territoires, la création d’un aéroport régional Bourgogne-Franche-Comté, la déviation Port-Saône, la liaison Vesoul-Lure, l’achèvement de la branche Est de la ligne LGV Rhin-Rhône, la finalisation de la RCEA, etc.
Que dites-vous aux jeunes pour les convaincre aujourd’hui de faire carrière dans les TP ?
Les TP génèrent la vie, sans eux rien n’est possible. Nous sommes une force économique non « délocalisable ». Les TP promettent une véritable ascension sociale pour les plus motivés. Y travailler, c’est ouvrir la satisfaction de contempler l’œuvre accomplie à travers des ouvrages d’exception.
La famille Martin est originaire d’Arbois en Franche-Comté, où elle exploite encore le Domaine de la Pinte ? Quel rapport entre le terroir et votre métier ?
La terre !
En conclusion, citez-nous quelques routes du bonheur en Bourgogne.
Les routes qui relient la Bourgogne à la Franche-Comté…
Dis comme cela, c’est évident !