Philippe Meyroux préside l’association des sommeliers de Bourgogne. C’est donc à lui, ce dieu vivant du service et du choix des vins, que Dijon Capitale a demandé de livrer ses dix commandements pour appréhender les vins de la plus complexe des régions viticoles. Mais attention, ce ne sont que des bases. Au-delà de la bible qu’on lit, la religion des bourgognes impose de la pratique et de la fidélité, qu’on se le dise !
Par Philippe Meyroux, président des sommeliers de Bourgogne
Le temps qu’il faut tu sauras leur donner
Boire les vins dans leur plénitude d’évolution, cela ne veut pas dire qu’il faut obligatoirement les faire vieillir. Sur l’ensemble des appellations bourguignonnes il ya un très grand éventail de temps de vieillissement. Certaines comme le crémant de Bourgogne mais aussi les bourgognes d’appellation régionale (aligoté, rosé, passe-tout-grain, côteaux bourguignons…) se boivent jeunes, car la jeunesse est leur atout majeur. Alors n’attendez pas, buvez-les dans les deux ans de bouteille. Les meilleurs premiers crus et grands crus ont en revanche un potentiel de 10 à 25 ans de vieillissement voire plus. Il faut alors s’armer de patience et, suivant le millésime et le producteur, juger la meilleure plage de consommation.
Dans le bon ordre tu les présenteras
Servir les vins dans leur ordre de puissance et de structure. Pour les vins blancs, du plus vif au plus riche. Par exemple : chablis, puis rully, saint-aubin premier cru, puligny-montrachet premier cru, Bâtard-Montrachet. Pour les rouges, du plus tendre et souple au plus soutenu : mâcon, irancy, givry, volnay premier cru, nuits-saint-georges premier cru, clos vougeot… Cet ordre peut fluctuer suivant l’âge du vin et son millésime, sans jamais oublier que la finesse d’un grand cru l’emporte sur la structure de certains villages.
À table tu sauras les marier
Il n’y a rien de plus subjectif qu’un accord met et vin. Mais il y a des règles à respecter. Avec des mets simples, on choisit des vins simples. Un bourgogne aligoté pour le jambon persillé, un bourgogne rouge pour les œufs en meurette, un petit chablis pour des escargots en coquille, etc. Par contre pour les crustacés, poissons nobles, viandes blanches à la crème et certains fromages on va plutôt s’orienter vers des vins blancs soutenus, puissants et riches : chablis grand cru, corton charlemagne, chassagne-montrachet premier cru, viré-clessé, pouilly-fuissé, etc. Pour les viandes rosées et rouges, les venaisons et certains fromages l’accord se portera plutôt vers des vins rouges charnus, structurés avec parfois une certaine évolution : mercurey premier cru, santenay premier cru, pommard, chambolle premier cru, Corton, Echezeaux, Chambertin, etc. Il est bon de savoir aussi que généralement un vin blanc sec précède un vin vieux, mais que parfois, pour les fromages, on peut servir un rouge jeune après un vin plus évolué, voire revenir sur un vin blanc.
À bonne température tu les prépareras
Les crémants de Bourgogne sont servis entre 6 et 8°c, les vins rosés entre 8 et 10°c, les vins blancs jeunes et fruités, frais mais pas trop froids, entre 10 et 12°c, les grands vins blancs entre 12 et 14°c. Les vins rouges jeunes et fruités doivent être bus légèrement frais entre 12 et 14°c et les grands vins rouges entre 16 et 17°c maximum. En pratique, il faut tenir compte également des conditions climatiques et s’adapter à la situation en servant les vins plus frais dans le cas de fortes chaleurs.
Dans un bon verre tu les verseras
À table, les verres hauts sur pied à calice en forme de tulipe sont à préférer aux verres traditionnels du type « coupe bourguignonne » ou « bulbe-ventre ». On utilisera des verres plus amples pour le vin rouge. Pour le crémant de Bourgogne… rien ne vaut la flûte dite « à champagne ».
Avec un bon tire-bouchon tu les déboucheras
Il faut déboucher précautionneusement les bouteilles au moyen d’un bon tire-bouchon muni d’une longue mèche style couteau-sommelier ou screw-pull. Eviter les tire-bouchons dits « rustiques » avec une poignée en cep de vigne. Les capsules seront coupées au milieu ou au-dessous de la bague de verre du goulot et ce dernier sera soigneusement essuyé afin d’éliminer les traces de poussière ou de moisissure.
Avec mesure tu les serviras
Les verres, selon leur modèle, sont emplis au maximum du tiers de leur capacité de manière à permettre aux convives de bien aérer le vin en le faisant tourner. Les vins doivent être menés à température de service avec précaution, sans variation brutale. Eviter les congélateurs, la mise en glace (sauf vins effervescents), l’exposition au soleil, de plonger le vin dans l’eau chaude, etc.
Anciens, tu les respecteras
Un vin ancien enfermé pendant des décennies dans une bouteille ne sera pas pimpant. Deux facteurs essentiels interviennent pour une présentation optimale au moment de le déguster : l’oxygénation et l’appréciation du bouquet. Le vin à besoin d’une oxygénation lente. En pratique on ouvre la bouteille quelques heures avant le repas, on sent et goûte le vin. Si le vin sent bon on rebouche et on laisse la bouteille droite, si le vin paraît désagréable on laisse la bouteille droite ouverte. L’oxygène va jouer son rôle même avec une petite surface de contact. Pas de mise en carafe pour un vieux vin de Bourgogne, car le choc d’une oxygénation brutale asphyxie le vin.
Les décanter à bon escient tu feras
La décantation en carafe est seulement conseillée pour les vieux vins rouges dont les bouteilles peuvent convenir un dépôt. Il s’agit de séparer la partie solide (dépôts) du vin afin de servir un vin clair sans trouble. Cette opération est préconisée pour des vins qui supportent l’aération et qui ont beaucoup de dépôts (bordeaux, côte rôtie, madiran, etc.), mais les vieux vins rouges de Bourgogne supportent mal une oxygénation brutale. Ils ont souvent peu de dépôt, on recommande de préférence l’usage du panier verseur.
Bien les aérer tu sauras
Le passage du vin en carafe quelques minutes avant le service est de plus en plus pratiqué pour les vins de Bourgogne jeunes (blanc et rouge), afin de leur permettre en s’oxygénant, de mieux dévoiler la richesse, l’intensité et la complexité de leurs arômes. Il faut toujours goûter le vin avant de le passer en carafe, car si le vin paraît déjà expressif et agréable, pour les vins de Bourgogne on préconise de les aérer plutôt dans un grand verre. Par contre, si le vin ne développe pas de bouquet ou si apparaît une légère réduction ou une forte présence de gaz carboniques, on choisira de le passer dans une carafe avec une large surface d’échange avec l’oxygène. Toujours faire attention à la température de service car le vin se réchauffe rapidement lors de cette opération.
On peut retrouver Philippe Meyroux dans la maison d’hôtes (5 chambres) qu’il exploite avec son épouse à Ruffey-les-Echirey, dans une bâtisse datant du XIXe siècle.
L’âme de la terre
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