— Débarrassé des enjeux de sa (vraisemblable) dernière échéance électorale, transformé par les épreuves de la maladie et de la crise sanitaire, François Rebsamen prend de la hauteur. Pour évoquer l’avenir de sa ville, il parle de gastronomie et de vin, d’environnement et de bien-être, de santé et de culture. D’hydrogène et de numérique aussi. Combatif, le maire de Dijon semble avoir été contaminé par le virus de la sérénité.
La rencontre se passe entre deux confinements. Quelques jours seulement après le verdict de Lisbonne : un comité réuni au Portugal a élu Grenoble capitale verte de l’Europe. Elle en portera ce titre en 2022. Au détriment de Dijon qui, pourtant, faisait bonne figure dans le carré final. François Rebsamen est en forme, mais un peu vert quand même : « On n’a pas pu y aller, à cause du Covid, c’était pénalisant, c’est la politique qui a gagné, pas le meilleur dossier. Qui peut penser que l’air est moins pollué à Grenoble que chez nous, que les transports collectifs y sont meilleurs ? » Le maire en vient à regretter d’avoir « fait un dossier finalement trop technique ».
Cette déception révèle surtout l’âpreté que l’ancien ministre du Travail met dans la transition écologique et numérique. La smart city par exemple, est en ordre de marche. « Elle est reconnue dans le pays, d’autres s’en inspirent comme Angers, c’est une bonne compétition, j’y crois beaucoup. » La ville intelligente carbure aussi à l’hydrogène. « On parle d’hydrogène vert, d’hydrogène décarbonné, sur ce plan nous sommes très en avance », soutient François Rebsamen. Dijon a passé commande de 27 bus et un électrolyseur, dans le cadre d’un programme d’investissements qui, au final, approchera la centaine de millions d’euros.
Première région hydrogène
Selon l’élu, l’effort doit être collectif et partagé, « car pour être la première région hydrogène, il faut que toutes les forces s’y mettent ». L’appel en direction « d’un meilleur soutien de la Région » est à peine voilé. Et les solutions ne se limiteront pas au seul champ des collectivités : « L’alliance public-privé est une bonne perspective, surtout quand le privé se montre plus efficace, plus agile, plus réactif ». Dans une société d’économie mixte, François Rebsamen « réfute toute approche sectaire et idéologique ». L’arbitrage se fera toujours en faveur de l’usager.
Dijon, nul ne peut le nier, a vécu l’une des plus spectaculaires mutations qu’une agglomération de son gabarit a pu connaître en France au cours de ces dernières années. Sa réforme structurelle et sociale a été engagée autour du grand chantier du tramway, inauguré fin 2012, qui a complètement reconfiguré et verdi sa vie intérieure. Sa réforme culturelle a été engagée en grande pompe par l’inauguration, en 2019, du nouveau musée des Beaux-Arts, au terme d’une dizaine d’années de travaux. Elle se poursuivra en 2021, avec la reprise en main de l’Opéra par Dominique Pitoiset et un ambitieux plan d’accompagnement annuel de plus de 6 millions d’euros.
Pas comme à Lyon
Le président de Dijon Métropole semble donc avoir fait sienne la devise de ne rien perdre car tout se transforme. Ce sera encore le cas, cette année, avec l’inauguration officielle de la fameuse Cité internationale de la gastronomie et du vin, qui s’était un peu perdue dans le fil d’un feuilleton politique. « Rendez-vous le 21 décembre 2021 », affirme l’intéressé, encore agacé par les vents contraires qui ont freiné l’avancement du dossier : « Je ne comprends pas les gens qui sont contre les grands projets. Que ce soit la capitale verte de l’Europe ou la CIGV, ces projets nous font avancer. » Il convoque alors au banc de ses arguments le dynamisme des chefs et de leurs restaurants, la reconquête des vignobles locaux. « Dijon a toutes les caractéristiques d’une Cité internationale de la gastronomie et des vin, et pas autre chose. »
Le thème du repas des Français, reconnu par l’Unesco sous Nicolas Sarkozy et consacré par le projet de cités dédiées sous François Hollande, est une bonne chose pour l’inspiration. D’autant que la bibliothèque municipale recèle de trésors depuis des siècles. « Elle nous permet de comparer le repas gastronomique des ducs à celui des rois de France, voire celui de la Révolution. On voit bien qu’il y a eu une évolution. » Ce fonds documentaire exceptionnel, augmenté depuis quelques années par la collection des menus de l’Élysée donne le « la » de la future cité qui prendra siègera sur le site de l’ancien hôpital général, au sud-ouest de la ville. Le maire de Dijon l’assure, on ne fera pas les mêmes erreurs qu’à Lyon, dont le projet de cité a été étouffé dans l’œuf, mis en faillite par un manque d’âme et d’engagement. Sans oublier un mauvais fond de sauce politicienne. « Notre cité aura une éthique et une vocation internationale, à l’image par exemple de l’école Ferrandi, qui est une belle signature pour la formation. » François Rebsamen a placé ce dossier au sommet de la pile de ses préoccupations. Il ne voudra laisser personne sur sa faim.
L’horizon 2025
Vivre bien se conçoit dans l’excellence. Côté santé surtout, un aspect qu’il connaît bien après avoir traversé l’épreuve d’un cancer et les frissons d’un test positif au coronavirus à l’automne 2020. L’élu salue en connaissance de cause la performance d’un « CHU extraordinaire face à l’épreuve de la crise sanitaire » et le potentiel du pôle santé dijonnais, « un cluster au sens positif du terme, qui regroupe de nombreuses entreprises innovantes ». Dijon respire, Dijon aime manger et boire, Dijon est curieuse de culture, Dijon est une ville qui rayonne dans le domaine des grandes écoles. L’université de Bourgogne représente près de 43 000 étudiants. Elle essaime dans des villes comme Chalon-sur-Saône, Le Creusot, Montceau, Nevers ou Auxerre. « Il faut y inclure quatre écoles d’ingénieurs, Agrosup et BSB, malheureusement le Rectorat ne prend pas encore conscience que ce pôle étudiant est ici et pas ailleurs. » Une école d’architecture est aussi attendue demain.
Dijon, enfin, construit. « 40 % des Français considèrent qu’il leur manque une pièce dans leur appartement, 50 % d’entre eux ne peuvent pas faire leur tri dans la cuisine faute de place. On doit continuer de construire, il y a 9 500 demandes de logements qui ne sont pas satisfaites sur cette agglomération. Cela ne veut pas dire qu’il y a 9 500 personnes à la rue, mais plutôt qu’il y a des besoins. » François Rebsamen se mue alors en bâtisseur, avec un cahier des charges à la clé : « La difficulté est que l’on ne peut pas s’étaler pour préserver les terres agricoles. Consommer des terres agricoles pour faire des lotissements, ça n’est pas une stratégie. Une stratégie, c’est construire là où il y a des moyens de circulation. On monte en hauteur là où il y a le tram, puis on descend là où il n’y a pas les moyens de transport aptes à la densification. »
Intarissable sur le sujet, l’édile évoque « les constructions durables et écologiques, l’accession à la propriété, dans une ville qui sait rester accessible pour le rêve français de bien se loger ». Un rêve qu’il oppose « aux plus réactionnaires qui ne veulent plus construire ». En 2025, l’homme fera le bilan de quatre mandats. Il ne se représentera sans doute pas. Alors, quand on lui demande de se projeter à cette échéance, François Rebsamen répond : « Je serais heureux de vivre dans un pays qui aura vaincu le Covid et pris conscience de la nécessité d’unir nos forces pour lutter contre le réchauffement climatique. » Une vraie profession de foi que personne ne saurait contredire. —