Depuis le décret du 25 avril 2017, la communauté d’agglomération dijonnaise a officiellement endossé son nouveau costume métropolitain. Le Grand Dijon est mort, vive Dijon Métropole ! Mais, au fait, ça sert à quoi une métropole, et en quoi cela va changer la ville et les équilibres territoriaux ? Pierre Pribetich, premier vice-président communautaire, détaille les enjeux de ce nouveau statut.
Propos recueillis par Geoffroy Morhain – Jonas Jacquel (sauf mention contraire)
À quelle logique répondait la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (loi MATPAM) mise en place au niveau national en 2014 ?
Essentiellement, cette loi avait pour volonté de développer les stratégies de croissance liées au fait urbain. Dans le contexte du nouveau découpage régional, chaque nouvelle grande région avait besoin d’au moins une métropole – ce qui est le cas aujourd’hui – pour pouvoir s’appuyer sur son dynamisme intellectuel et culturel autant qu’économique. Le statut de métropole a permis aux capitales de s’affirmer à l’échelle des grandes régions, en leur permettant de devenir un constructeur proactif de développement, notamment économique, à part entière sur l’ensemble de leur territoire. Le poids de ces grandes agglomérations est essentiel, à l’image de la métropole dijonnaise, qui concentre environ les deux tiers de l’activité économique de la Côte-d’Or et la moitié de sa population (ndlr : lire encadré chiffres).
La Région Bourgogne-Franche-Comté a été la dernière à obtenir sa métropole, Dijon en l’occurrence. En quoi cela était-il légitime ?
Il ne faut pas oublier que la Bourgogne-Franche-Comté est la région la plus industrielle de France avec près d’un emploi sur quatre dans le secteur secondaire. Il aurait vraiment été injuste qu’elle n’ait pas droit à sa métropole. Dijon, avec son dynamisme universitaire (43 % de la population étudiante de la région) et son attractivité économique (138 000 emplois sur le territoire de la métropole dont 32 000 qui n’y habite pas et fait la navette tous les jours) méritait tout naturellement ce statut.
Cette multiplication des métropoles est-elle un pas en avant vers plus de décentralisation ou, au contraire, induit un déséquilibre en concentrant richesses et pouvoir sur quelques agglomérations seulement ?
Pour être forte, une région a elle-même besoin d’une métropole forte, capable d’impulser et de développer la croissance économique. Avant même de pouvoir partager de la richesse sur tout un territoire, il faut en créer. C’est là le rôle principal d’une métropole, qui doit permettre aux territoires qui l’entourent de développer des dynamiques propres, en milieu rural notamment où l’habitat va se développer car les gens iront y dormir à défaut d’y travailler.
Derrière une métropole, il y a toujours le souci du développement harmonieux d’un territoire plus grand. À Dijon, cela s’opère sur trois niveaux : celui de l’aire urbaine où un travail de cohérence est mené entre la métropole et les zones environnantes (en matière de mobilité, de tourisme, de culture ou d’approvisionnement en eau par exemple) ; celui de l’arc urbain bourguignon (Dijon-Chalon-Le Creusot-Mâcon) ensuite, notamment avec un stand commun au dernier Salon de l’immobilier d’entreprise (le Simi à Paris) ; au niveau l’arc régional enfin où Dijon assume son rôle de capitale régionale en collaboration étroite avec des villes comme Besançon, Dole, Belfort ou Montbéliard.
Il y a plus de 10 ans déjà, l’expérience de la Métropole Rhin-Rhône (reliées en 2011 par le TGV Rhin-Rhône, les
différentes villes de cet espace se sont regroupées sur un territoire rassemblant les régions Franche-Comté, Bourgogne et Alsace ainsi que des secteurs voisins de Suisse et d’Allemagne) nous a prouvé que l’alliance des territoires fonctionnait dans des secteurs variés comme le transport, l’université, la santé, le tourisme ou le développement économique.
Selon vous, le développement des métropoles ne va donc pas renforcer une « France d’oasis et de déserts périphériques » où les départements et les petites communes n’auraient bientôt plus leur place ?
Le couple Métropole-Grande Région est l’élément moteur du territoire, celui qui initie le développement au profit du reste du territoire. Pour y arriver, un « contrat métropolitain » (ndlr : en phase d’élaboration) doit être établi autour des principaux secteurs socio-économiques concernés : agroalimentaire, tourisme, transferts de technologies, contrats avec l’État, la Région ou le Département, ceci afin de bien répartir les compétences de chacun et d’être en osmose. Dans cette logique, le Département doit pouvoir exister hors de la métropole aussi, notamment en ce qui concerne la ruralité ou les collèges. Le fait urbain est quelque chose de particulier et d’incontestable. Saint-Maurice-sur-Vingeanne n’a pas les mêmes besoins que Chenôve ! Il faut des outils spécifiques pour pouvoir gérer cette particularité.
Le territoire géographique de Dijon Métropole reprend exactement celui des 24 communes du Grand Dijon. En quoi ces deux entités sont différentes ?
Tout d’abord, le budget de la métropole sera plus important que celui de la communauté d’agglomération. Avec plus de responsabilités données aux élus pour pouvoir prendre en charge leur propre destin. En matière de transfert de technologie par exemple, la Métropole va être plus compétente pour accompagner la création de start-up ou construire la « smart city » de demain, tout en évitant d’éparpiller les compétences sur un territoire donné.
Le statut de métropole reconnait implicitement une dimension européenne, ce qui n’est pas vraiment encore le cas pour Dijon. Est-ce à dire que le costume métropolitain est encore un peu grand pour notre chère cité des Ducs ?
Être plus reconnu au niveau européen est un des objectifs de Dijon Métropole, mais il ne faut pas oublier tous les atouts et les richesses dont dispose la ville : une histoire grandiose, un patrimoine unique et une qualité de vie capables d’attirer des forces nouvelles. Le label Unesco ou le développement du tourisme international vont dans ce sens, il faut s’appuyer dessus pour acquérir un nouveau statut et une dimension plus européenne.
Les grosses agglomérations n’ont plus la cote (regardez Lyon avec la raffinerie de Feyzin aux portes de la ville ou la multiplication des nouveaux salons professionnels faits pour quitter Paris) et la taille humaine de la métropole dijonnaise lui permet de rester attractive en matière de qualité de vie. C’est un mal pour un bien. Il nous faut désormais faire du marketing et créer une marque territoriale afin de mieux nous vendre. Il ne faut pas oublier qu’au XXe siècle, Dijon était la capitale mondiale de la moto. Pourquoi nous ne pourrions pas aujourd’hui retrouver une place de choix en jouant sur notre talent, notre taille humaine, notre viabilité extraordinaire, pour devenir « the place to be » ?
L’attractivité de la métropole va renforcer l’offre (plus d’entreprises, plus de commerces, plus de culture, plus de logement au final) pour en faire une ville plus active. Ce cercle vertueux a déjà permis de mettre en place des équipements de grande qualité comme le Zénith, la piscine olympique ou le CHU. Dijon a tout d’une grande sans en avoir les défauts, il serait dommage de ne pas capitaliser sur le charme paisible de notre bonne cité, une capitale régionale où il fait bon vivre, mais qui est également capable de générer du développement pour attirer les entreprises. Dans ce contexte, la Cité de la Gastronomie et du Vin est l’élément qui devrait cristaliser toutes ces ambitions et donner corps au Dijon de demain, au kilomètre 1 de la Route des Grands Crus et des Climats du vignoble de Bourgogne classés au patrimoine mondial de l’Unesco.
La métropole dijonnaise en chiffres
– 24 communes sur 240 km2
– 79 élus au Conseil métropolitain
– 376 agents permanents
– 1 700 nouveaux logements chaque année
– 13 128 établissements (entreprises, commerçants, artisans, administrations)
– 30 000 étudiants
– 137 000 emplois et un taux de chômage contenu à environ 5 %
– 254 387 habitants (48 % de la population de la Côte-d’Or), dont 153 000 pour Dijon