Dans la famille Deballon, un entrepreneur peut en cacher un autre. Pierre-Henri, 38 ans, a propulsé très haut sa start-up de billetterie en ligne Weezevent et vit à Paris. Son cadet Arthur, 32 ans, est resté à Dijon pour prendre tôt les rênes d’AVS Communication, grand spécialiste de la signalétique. Dijon Capitale les a réunis pour une interview fraternelle du tac au tac.
Votre père Eric a lancé l’aventure AVS il y a trente ans. Êtes-vous nés entrepreneurs ?
Pierre-Henri : Disons qu’on a été irradiés au quotidien. Nos arrières-grands-parents étaient déjà entrepreneurs, c’est une affaire de famille.
Arthur : Pire, notre père a créé AVS Communication le jour, le mois, l’année de ma naissance. Une destinée !
Parents.fr est formel : Pierre-Henri signifie « petit caillou » en grec ancien. Arthur vient du celtique arzh qui signifie « ours ». Des remarques ?
PH : Petit Caillou ferait un beau nom indien dans un western.
A : Je suis plutôt un chat, même si je les déteste et en suis allergique. Mon frère est solide comme un roc, je valide.
Quel autre métier auriez-vous aimé faire ?
PH : Avocat, mais j’adorerais faire plein d’autres métiers. Ce qui m’importe, c’est de faire les choses sans demi-mesure.
A : Pompier. Un jour qui sait, ou comme volontaire ?
L’endroit où vous vous sentez le mieux ?
PH : Dans ma maison, ou au fin fond du bush en Afrique australe à observer les animaux.
A : En ce moment, mon lit.
La compatibilité fraternelle au boulot, ça donne quoi ?
PH : Tant que je ne lui demande pas de se déguiser, on s’entend très bien ! On a déjà collaboré sur Velotour (ndlr, événement cyclo-ludique national créé en 2006 à Dijon par les Deballon. Prochaine édition le 4 septembre) ou AVS, mais souvent en décalage. Il m’avait rendu un grand service en organisant une édition du Velotour, pour que je sois concentré à fond sur Weezevent. Bien sûr, il y a eu des étincelles. Quand on est passionné, on ne fait pas toujours dans le compromis ou avec suffisamment de recul. Mais ce qui nous unit est toujours resté plus fort que ces incompréhensions passagères. De là à être associés au quotidien, on est tellement dans nos projets respectifs que ce ne sera pas tout de suite je crois.
A : On tiendrait une semaine puis on ferait les gros titres ! L’argent ne serait pas le problème mais plutôt la vision et façon de faire.
Quelle qualité prendriez-vous à l’autre ?
PH : Ses cheveux. Plus sérieusement, sa capacité de travail, sa vision pour investir et prendre des risques, son talent marketing.
A : Son associé ! (ndlr, Sébastien Tonglet, depuis 2008 et la création de Weezevent) Il a trouvé son égal sur qui s’appuyer.
Les frères Deballon dans une partie des locaux d’AVS Communication à Dijon, entreprise spécialiste de la signalétique dirigée par Arthur. © Iannis Giakoumopoulos
C’est quoi un bon patron ?
PH : Quelqu’un de responsable, dans tous les sens du terme.
A : Une recette multiple. Mais le bon patron aura de l’écoute : celle de sa famille, ses collaborateurs, ses clients, ses fournisseurs.
Le meilleur conseil qu’on vous ait donné ?
PH : « Fais ce dont tu as envie dans la vie, mais fais le bien. » Notre maman a toujours tenu ce discours. Cela rend les choses tellement plus simples.
A : Faire tout à fond pour ne jamais regretter.
« Moi, président » : la première mesure que vous prenez ?
PH : Supprimer la rupture conventionnelle, qui est un non sens. Soit le salarié démissionne et en assume les conséquences, soit l’entreprise se sépare d’un collaborateur et en fait de même.
A : Une mesure applicable de suite : le chômage pour les dirigeants ! Je ne m’explique pas ce déséquilibre de régime.
Le plus grand enjeu à venir dans votre business ?
PH : La reprise événementielle très forte à l’été 2022, après deux ans d’arrêt forcé. Il faudra être en capacité d’accompagner tous nos clients.
A : Le développement durable et les délais. Le Covid ouvre une voie pour des produits plus durables, et les délais se réduisent car les entreprises manquent de ressources et n’anticipent plus. Amazon a tué le temps de l’Avent, celui de l’attente.
Weezevent et AVS sont dépendantes de la vitalité événementielle. Au plus fort de la tempête Covid, vos bateaux ont tangué. Comment on gère ça, capitaine ?
PH : La chance que nous avons eue avec Weezevent, c’est d’entrer dans la crise en très bonne santé financière. Nous n’avons jamais été inquiets sur la pérennité de la structure. Il faut aussi dire que les aides et le soutien à la filière événementielle ont été très généreux. Cela a limité les dégâts et nous a donné de la confiance pour rester offensifs, puisque nous avons racheté un concurrent étranger (PlayPass basé en Belgique), ou encore pour conserver tous nos salariés.
A : On se lève pour développer une entreprise, recruter, structurer, ce n’est donc pas le plus simple à vivre. Et en même temps (sic), certains choix s’imposent dans l’entreprise. Il y a ceux qui sont partis et ceux qui sont restés. Il n’est pas plus simple de se remettre à flots, rassurer et retrouver l’assurance. Chez moi, nous ne reprenons les embauches que depuis fin 2021 alors que l’activité était bien revenue.
2022 est l’année de la Cité de la Gastronomie et du Vin. Que vous évoque spontanément cette nouvelle ?
PH : Une bonne chose pour Dijon, cela va permettre de mettre en lumière toute la richesse de notre belle ville.
A : Une belle nouvelle pour la ville et pour le centre-ville en particulier. De beaux noms s’y installent pour développer encore notre notoriété gourmande.
Que dites-vous pour « vendre » Dijon et sa région à des décideurs, ou plus simplement à des amis ?
PH : Que c’est une ville à taille humaine où il fait bon vivre, proche de Paris et très bien desservie. Au fond, je pense que le vrai luxe n’est pas d’être à Paris, mais plutôt à Dijon et de profiter des bons côtés de la capitale le week-end.
A : Je passe mes journées à en faire la promo auprès de mes clients nationaux. Je suis un peu directeur commercial de la ville ! Parfois, ils viennent sur place, las de m’entendre leur dire que j’aimerais leur faire visiter. Généralement, on mange chez Cibo (ndlr, le restaurant étoilé d’Angelo Ferrigno, rue Jeannin) et là, le contrat est signé à vie.
On ne va pas se quitter en si bons termes… Dans quel domaine votre frère ne fera-t-il jamais carrière ?
PH : Le sport !
A : Franchement, qu’il ne monte pas de restaurant. Si son chef tombait malade, il ne pourrait même pas servir une omelette.
Pierre-Henri et Arthur Deballon, entrepreneurs dans l’âme. © Iannis Giakoumopoulos