Mulot & Petitjean, entreprise du patrimoine vivant, a une histoire à tiroirs qui explique à bien des égards la dimension culturelle du pain d’épices. Catherine Petitjean, sa dirigeante, a donc parié sur l’avenir et le passé en même temps, en rénovant sa ligne de fabrication tout en installant un musée à la gloire d’un pain épique.
L’histoire se lit plein écran dans les pages du site du internet de la maison : Mulot & Petitjean a été fondée en 1796. Et, tout le monde le sait à Dijon, les médias ne se lassent pas de le répéter comme une litanie, Catherine Petitjean est la digne « héritière » de cette longue histoire.
Tout faux ! « Je n’aime pas les mots « héritière » et « industrielle », plaide la concernée, je ne suis pas la Paris Hilton du pain d’épices, ma responsabilité est de faire vivre une entreprise ! » Ceux qui connaissent bien la dame seront à peine surpris par la sortie. Catherine Petitjean est une chef d’entreprise qui raisonne en termes de gestion, de management, de stratégie commerciale et de développement de la culture d’entreprise. Ce pain épique que l’on dit « d’épices » a certes forgé son destin, mais il représente un devoir, non seulement à l’égard de la verticale des Mulot et des Petitjean qui a patiemment positionné la fabrique dijonnaise là où elle se trouve, mais au regard d’une cinquantaine de salariés, du chiffre d’affaires et des marges qu’il faut aller chercher pour pérenniser leur emploi.
Une histoire mise en scène
Donc, son projet de musée n’est pas celui de l’égo. Il ne s’agit pas de rouler les souvenirs d’une dynastie dans la naphtaline et les visiteurs dans la farine. Fin 2016, le pain d’épices aura un lieu enfin à la hauteur de sa dimension culturelle. Dans la vieille fabrique plus que centenaire qui l’hébergera sur 400 m2, boulevard de l’ouest, on retrouvera sûrement un bureau à l’ancienne et les fragments de l’histoire familiale, illustrés par les portraits solennels des dirigeants successifs de l’affaire. « Mais cette histoire sera mise en scène », prévient la productrice du show, qui a fait appel à un scénographe. Mulot & Petitjean est labellisée « Entreprise du patrimoine vivant ». Une telle exception se traite avec le plus grand sérieux.
Premier acte du défi : une pédagogie assumée de la fabrication du pain d’épices, de l’ancienne méthode à l’actuelle, sans fard. « Les machines ont remplacé le fait main, la réduction du temps de conservation de la pâte mère a été mise en place pour évacuer les risques de contamination, rappelle Catherine Petitjean, une pâte mère qui repose trop longtemps peut effectivement poser quelques soucis » On imagine bien, effectivement.
Nous y voilà. Industriel le pain d’épices ? « En fait, cette évolution est au contraire une garantie de qualité et nous avons encore beaucoup d’interventions manuelles ! » Quand la farine arrive, quelqu’un doit bien tourner la pâte. Si tout est calibré, tout peut changer aussi, selon a qualité du blé notamment. Puis il y a le temps de pétrissage et autant de raisons de pratiquer « une alchimie qui dépend du contexte ».
Ouf, le pain d’épices préserve ses secrets de fabrication et reste une matière en mouvement, un « patrimoine vivant » (et surtout consommable). Le futur musée se fera donc fort de mettre en lumière cette spécificité dijonnaise, plus lisible qu’à Reims, qui s’exprime entre autre dans l’utilisation de la farine de froment et, on y revient, le background familial de Mulot & Petitjean.
11 fabriques à Dijon
Entre deux vieilles machines à pétrin, un laminoir et une ancienne ligne à glacer, chacun apprendra à mieux différencier une pâte mère d’une pâte braquée. « Ma machine préférée c’est la machine à glacer mince, confie Catherine, les femmes brossaient et la glace tenait, tout tenait, une drôle d’alchimie ». Le circuit de visite commencera aussi par un peu d’histoire. Avant de passer à la dégustation, un acte qui se mémorise naturellement lui, il sera bon de restituer la place qu’a occupé le pain d’épices en Bourgogne, le rôle qu’a joué Marguerite de Flandres dans cette histoire et la réalité d’une ville qui, à une certaine époque, comptait pas moins de 11 fabriques ! Ce serait oublier que si le pain d’épices est autant présent dans notre environnement, c’est parce que, à la base, il est aussi durable que facile à conserver, « un vrai pain nourricier ». La fantaisies apparaîtront plus tard, comme des pains avec des fruits ou les célèbres nonnettes. En revanche, les matières premières sont restées les mêmes, le miel des abeilles, le froment qui pousse dans les champs, les épices qu’on fait venir de loin.
Le musée Mulot & Petitjean est une initiative à connotation culturelle qui s’inscrit aussi dans une logique marchande. Le financement du projet est intégré aux 3 millions d’euros investis globalement dans la rénovation du site de production de Mulot & Petitjean et dans l’hypothèse d’une montée en puissance de l’entreprise.
Le pain d’épices, loin d’être cuit, a donc de l’avenir devant lui. Il n’a pas fini de porter haut les valeurs de Dijon. Un pain épique on vous dit.