— Soit on construit en bois et en grand, soit on « réarchitecture » et on réemploie. Le futur siège de la Caisse d’Épargne régionale à Valmy et la transformation promise à l’ancien siège de la Carsat, rue de Cracovie en ZAE Cap Nord, sont deux exemples concrets de l’évolution vertueuse du Bâtiment. Petit éclairage avec Thierry Coursin, PDG du groupe LCDP qui supervise les deux projets, et l’architecte lyonnais Jean-Philippe Charon.
Il se voit comme le nez au milieu de la figure et s’affiche comme le phare d’une nouvelle génération de bâtiments qui font du bois une arme de défense de l’environnement. Le Valmy est un vaisseau amiral qui jaillit du quartier d’affaires éponyme et se détache dans l’horizon de la rocade. Le spectacle offert par le chantier du futur siège de la Caisse d’Épargne Bourgogne-Franche-Comté et son parking attenant (565 places, tout en bois et délocalisable au besoin), a quelque chose de sidéral. Il est devenu une attraction pour l’agglomération dijonnaise, symbole d’un renouveau spectaculaire de l’immobilier.
Thierry Coursin depuis le chantier du Valmy supervisé par LCDP
Une double peau de verre
Le Valmy c’est 9 500 m2 de surface de bureaux pour accueillir 400 collaborateurs de la banque répartis jusque-là sur trois sites. Le Valmy c’est aussi, comme le rappelle volontiers François Rebsamen, « le plus grand ensemble tertiaire en bois de l’Hexagone ». Dans une région comme la Bourgogne-Franche-Comté, qui ne compte pas moins de 20 000 salariés œuvrant pour la filière bois, la dimension symbolique d’un tel chantier se passe de commentaires.
Les enjeux sont donc autant économiques qu’environnementaux. Une quarantaine d’entreprises sont impliquées dans ce gigantesque jeu de construction. Il devrait prendre fin en juin 2021. C’est aussi l’une des premières signatures du groupe LCDP, précurseur des nouvelles technologies de la construction, donc de l’immobilier de demain. La double peau de verre qui recouvre Le Valmy n’est pas la seule des innovations en jeu, le moindre recoin d’un projet comme celui-ci ayant été pensé pour et par le durable.
Thierry Coursin dirige LCDP (historique en encadré plus bas). Son discours est résolument optimiste : « L’humanité a toujours tenté de mieux s’abriter, on ne cesse de se réinventer et de s’améliorer, c’est encourageant. » L’homme, il est vrai, a les yeux du découvreur. Issu du monde des collectivités et rompu aux questions de développement territorial, il a pris en 2012 la direction de la Semaad, société d’économie mixte d’aménagement de l’agglomération dijonnaise (devenue depuis Société Est Métropoles), avant de se lancer dans une voie privée avec la création du groupe LCDP et de ses filiales. L’apprentissage a été rapide et concret : « Au début, j’ai avancé sur le terrain de la construction immobilière, dans une démarche quasi personnelle, avec mon prisme des activités territoriales et l’obsession du confort et du bien-être pour les gens. »
Le chantier du Valmy, dont la maîtrise d’œuvre a été confiée à l’agence Graam Architecture, ressemble à un gigantesque jeu de construction. Le processus, qui renvoie aux maisons à colombages typiques de Bourgogne, restera visible au travers des parois de verre agrafées sur l’ossature bois. Cette enveloppe de verre fera office de « double peau bioclimatique » selon son concepteur, afin d’assurer le confort thermique des usagers du bâtiment.
Tout se transforme
L’immeuble Le Valmy, pour en revenir à lui, c’est plus de 2 500 m3 de bois mis en œuvre, soit l’équivalent d’environ 2 500 tonnes de CO2 absorbé. Mais construire n’est pas la seule voie vertueuse de l’immobilier de demain. Ne pas détruire est une piste de plus en plus en vogue. C’est tout l’enjeu de l’autre gros chantier à venir de LCDP, qui va donner aux anciens bâtiments de la Carsat une nouvelle vie.
Là encore, les chiffres donnent le tournis : 18 000 m2 de surface de plancher dans un parc clos. Et un défi qui passe par un nouvel élément de langage, « réarchitecturer ». Nous vivons désormais à l’ère du réemploi et des matériaux biosourcés. Selon le principe de Lavoisier, rien ne se perd, tout se transforme. « Surtout, plaide Jean-Philippe Charon, l’architecte lyonnais associé d’Archigroup, nous faisons l’économie de 50 années d’émission carbone par rapport au schéma d’une destruction reconstruction, il ne s’agit donc pas d’une simple réhabilitation, tout est repensé. »
Ces bâtiments datent des années 80. Ils présentent l’avantage d’avoir été bien construits pour leur époque. L’ancien siège de la Carsat est un immense paquebot qui ne sombre pas, « massif, pas toujours fonctionnel, mais de qualité intrinsèque ». Ce temple monolithique du tertiaire va devenir un village multifonctionnel. La structure d’origine est conservée mais totalement redistribuée. « Ce sera un bâtiment ouvert sur l’extérieur », avec des bureaux sur quatre niveaux qui représenteront la moitié de la surface originelle (soit 9 000 m2). Lesquels cohabiteront avec du logement, des équipements de toutes sortes (crèche privée, salle de sport, data center, salles de réunion, amphithéâtre) et un restaurant avec terrasse donnant sur le parc. Toute une vie sociale en perspective.
Engie Solutions dans la boucle
La crise sanitaire, on ne peut le nier, a boosté la « réarchitecture ». « Il y a un an, on n’aurait pas tout à fait imaginé les choses de la même façon », constate Jean-Philippe Charon. « Réemployer l’existant et “réarchitecturer” selon de nouvelles normes thermiques et de nouveaux usages, c’est l’évolution en cours, confirme Thierry Coursin. Ces bâtiments ont été inventés par des sachants, sur des bases excellentes, ils seront toujours là dans 50 ans, avec des consommations et un impact climatique bien plus neutres. »
Via sa filiale de promotion immobilière et d’aménagement Aire nouvelle, Engie Solutions a donc été pleinement associé à la réflexion et à la réalisation du projet. « Avec leurs techniciens, nous avons une vision commune de la démarche engagée, insiste le patron de LCDP. Cette démarche est d’autant plus porteuse qu’elle intervient dans un environnement de 10 000 salariés et 550 entreprises (ndlr, la zone d’activités Cap Nord à Saint-Apollinaire). » Ce que l’on ne manquera pas d’apprécier à l’horizon 2023, quand l’ex-caisse d’assurance maladie, aujourd’hui installée pas très loin du prochain siège de la Caisse d’Épargne à Valmy, aura définitivement cédé la place à ce village nouvelle génération de l’agglomération dijonnaise. —
LCDP, définition
Actionnaire de la SEM, la société dijonnaise s’inscrit dans une attitude de « promoteur et penseur, dérogeant aux règles classiques de la promotion et de la construction immobilière ». Son champ d’expertise est large. LCDP agit en effet comme un opérateur pluridisciplinaire, qui accompagne le développement des territoire sur des constructions de tout type, en réponse aux besoins de ses clients. L’innovation et le respect du développement durable sont au premier plan de ses préoccupations. Il y a d’abord le souci de « développer une construction propre, en utilisant le bois et d’autres matériaux biosourcés, comme c’est le cas pour le futur siège de la Caisse d’Épargne régionale ». Viennent aussi les enjeux du réemploi et de la valorisation des matériaux existants sur les projets de réhabilitation (exemple avec l’ancien siège de la Carsat). « Point crucial dans la réalisation des édifices de demain, nous considérons dès maintenant les exigences induites par les nouvelles préoccupations sanitaires », précise enfin son président Thierry Coursin.