La bulle explose ! Avec 23,3 millions de flacons vendus l’an passé, le crémant de bourgogne a atteint un nouveau record. Parmi ses fervents consommateurs étrangers, les Norvégiens débarquent en force à la seconde position… Zoom sur un marché hors-norme.
Sous toutes ses formes, les vins de Bourgogne ont le vent en poupe. Dans le lot, les vins effervescents ne dérogent pas à la règle. Les crémants de Bourgogne s’offrent même un nouveau record de quelque 23,3 millions de bouteilles vendues, soit 2 millions de flacons de plus qu’en 2019. « Les ventes ont augmenté dans absolument tous les canaux de distribution. La grande distribution, les cavistes, les restaurants et sur tout l’export confirment leur intérêt pour les crémants de Bourgogne », assure Pierre du Couëdic. De manière générale, le marché de la bulle française se porte bien, pour le plus grand plaisir du directeur de l’Union des producteurs et élaborateurs de Crémant de Bourgogne.
Records sur records
La popularité des vins de Bourgogne n’est plus à prouver depuis bien longtemps. Pourtant, une appellation travaille d’arrache-ceps depuis cinquante ans pour se faire une place dans le marché très prisé du vin pétillant. Le travail paie, et c’est d’autant plus flagrant que les records ne cessent de tomber. François Piffaut, le responsable communication et œnotourisme de Veuve Ambal, y va d’abord de son analyse plus sociétale que commerciale. « Les vins effervescents sont très souvent consommés dans un cadre festif. Après ces deux années moroses, tout est prétexte à faire la fête ! » Avant d’ajouter : « C’est un produit qui gagne en qualité d’année en année. Sa popularité grandit petit à petit, mais est encore bien loin d’autres vins effervescents. C’est à nous, producteurs, de valoriser cette appellation tout en gardant ce rapport qualité-prix très intéressant. » Parmi les grands importateurs, les États-Unis passent premiers de la classe (2,07 millions de bouteilles en 2021, contre 1,42 en 2019), juste devant la Norvège (1,8 million) et la Suède (1,69 million).
La Norvège, « un marché hors-norme »
1,8 million de bouteilles ont été importées au pays des Fjords en 2021. Pourtant, aux dernières nouvelles, les Norvégiens n’ont pas plus de raisons de faire la fête que les autres. « Lorsqu’on met ce chiffre en perspective par rapport au nombre d’habitants (ndlr, 5,4 millions), c’est d’autant plus impressionnant », appuie Pierre Jury. Le directeur adjoint de Boisset Effervescence en sait un rayon sur le sujet, puisqu’il était en charge du marché scandinave pendant cinq ans. « Un marché hors-norme », selon lui. Et dans tous les sens du terme. En Norvège, l’importation et la vente d’alcool est régulée par l’État depuis 1922. Ce monopole, appelé « Vinmonopolet », est dirigé par le ministère de la Santé dans le but de réguler la consommation d’alcool dans le pays. « En gros, les Norvégiens ne peuvent acheter de l’alcool à plus de 4,74 % autre part que dans un des 331 magasins Vinmonopolet, et à certaines heures seulement. »
« Les Norvégiens ne peuvent acheter de l’alcool à plus de 4,74 % autre part que dans l’un des 331 magasins Vinmonopolet, et à certaines heures seulement. »
Pierre Jury, directeur adjoint de Boisset Effervescence
Le monopole est aussi strict sur la vente que sur son approvisionnement. Pour choisir ses références, cela passe la plupart du temps par un appel d’offres. Et là-bas, les mœurs sont toutes autres. « On n’est quasiment jamais en contact direct avec leurs acheteurs. Tout passe par un importateur qui fait office d’intermédiaire », confie le directeur adjoint de la filiale pétillante de Boisset.
À chaque appel d’offre, les acheteurs dégustent une multitude de produits et sélectionnent les vins à l’aveugle, selon des critères préalablement définis. Un mode de fonctionnement rigide auquel il vaut mieux se soumettre. « Pendant les Grands Jours de Bourgogne, on savait que l’acheteur de vins français du monopole était présent. On s’interdit de le contacter directement ou de l’inviter à déguster car il pourrait interpréter cela comme une tentative de soudoiement. » Et comme dirait Régis Laspalès, il y en a qui ont essayé, ils ont eu des problèmes…
L’omniprésence du crémant de Bourgogne a donc tout d’un sérieux gage de qualité pour le savoir-faire des vignerons de la région. « Il y a une vraie connaissance du produit là-bas. Les consommateurs savent ce qu’est un Crémant de Bourgogne et connaissent très bien la méthode d’élaboration, qui est la même qu’un champagne. Dans leur esprit, cette appellation est forcément synonyme de qualité », explique Pierre Jury. Mais le viking est dur. Avec lui, pas de sentiments, pas de dentelle. Si tu vends, ils achètent sans souci et en quantité. Si tu vends plus, ils n’achètent plus.
Climatico-dépendants
Et pour vendre du vin, il faut du raisin. Mais ces dernières années, ce n’est pas l’extase de ce côté. En 2021, la récolte a été inférieure de 35 % par rapport aux cinq derniers millésimes. La faute à une Dame Nature impitoyable avec les vignes ces derniers temps. « La récolte de 2021 restera dans les annales, mais pas dans le bon sens, regrette François Piffaut. Pour continuer à vendre plus, ce n’est pas qu’une question de stratégies marketing ou commerciales. Notre principale préoccupation est d’accroître les stocks qui sont de plus en plus pauvres, pour ne pas dire inexistants chez certains… » Trinquons tant qu’il en est encore temps !