Le nouveau directeur du MuséoParc Alésia arrive en terrain relativement connu et avec de solides bagages. Dijonnais d’origine, rassembleur par nature, Laurent Bourdereau veut rallier à sa cause les visiteurs de Bourgogne-Franche-Comté et étirer la bonne dynamique constatée (85 000 visiteurs en 2022). Interview sur le champ de bataille.
Comment se passent vos premières semaines ?
Très bien ! Beaucoup de choses sont à appréhender. Je suis content de revenir sur un territoire où je suis né, que je connais bien, pour piloter un site avec une telle attractivité. Je reprends un MuséoParc bien structuré, avec une belle et fidèle équipe que je sens particulièrement impliquée. C’est très motivant.
C’est un peu l’enfant du pays qui revient…
Mes liens avec Dijon sont forts. J’y ai appris l’histoire de l’art au contact de gens comme Xavier Douroux. Jeune étudiant, j’étais venu le voir en lui expliquant timidement que je voulais bosser avec des artistes. Il m’a fait découvrir le Consortium en créant un service civique spécialement à mon attention, chose assez originale pour l’époque. Il m’a baladé partout ! J’ai rencontré Lilian Bourgeat, Ming, Bertrand Lavier… Une période très enrichissante. Mais en tant que directeur du MuséoParc Alésia, je ne me voyais pas à Dijon. J’ai choisi Clamerey, un joli village où coule l’Armançon, près de Semur-en-Auxois. Je trouve important d’être proche du MuséoParc et de vivre pleinement le territoire dans la vie de tous les jours.
Pour rester sur Dijon, Vieira da Silva ne vous quitte plus…
Comment vous savez ça ? (sourires) Avant de prendre la direction du service des publics du Musée Magnin, j’ai effectivement mené un mémoire de maîtrise sur Maria Helena Vieira da Silva (1908-1992), en lien avec l’extraordinaire donation de Kathleen et Pierre Granville au Musée des Beaux-Arts*. Je fus l’un des rares à pouvoir travailler dans la bibliothèque de la tour Philippe le Bon, deux années durant, aux côtés de monsieur Granville, qui était un ami proche de l’artiste. Une chance. Trente ans plus tard, alors que je repose mes valises en Côte-d’Or, le MBA présente une grande rétrospective sur Vieira da Silva (ndlr, du 16 décembre 2022 au 3 avril 2023). Un joli clin d’œil du destin.
* Entre 1969 et 1986, les époux Granville ont offert au MBA de Dijon plus de 1000 œuvres, lui permettant de devenir une référence pour l’art des XIXe et XXe siècles.
Parlons d’Alésia. Quel apriori aviez-vous du site ?
Quand le MuséoParc s’est créé, j’étais administrateur à Chalon dans la Rue. J’ai donc suivi de près, ou de pas très loin, sa naissance. En tant qu’acteur culturel et touristique, j’avais déjà bien conscience que cette nouvelle proposition allait jouer un rôle crucial pour le territoire. Le MuséoParc donne tellement de possibilités autour de thématiques sur la civilisation gallo-romaine. C’est un laboratoire, une formidable boite à outils qui s’adresse à tous les publics. À titre plus personnel, il me permet de faire modestement la synthèse de mes expériences passées.
85 000 visiteurs en 2022, la fréquentation redémarre. Avez-vous une bonne recette gauloise pour
faire encore mieux ?
La dynamique est bonne, le MuséoParc Alésia fait même mieux qu’avant l’époque Covid. Cela commence déjà par bien recevoir le visiteur, quel qu’il soit. L’accessibilité est un atout majeur ici. Nous avons entièrement rénové le pavillon d’accueil du site archéologique et sommes en train d’en faire autant pour le restaurant Le Carnyx. Le MuséoParc en a repris la gérance directe, ce qui permettra de maîtriser les approvisionnements en circuits locaux et de proposer des menus très en lien avec les thématiques d’expositions. Côté pédagogie, je crois beaucoup en l’exposition temporaire sur Alix à partir du 13 mai.
La stratégie d’une conquête du public en BFC est-elle envisageable, compte tenu de votre parcours ?
Bien sûr. Le public régional est sensible aux offres atypiques de son territoire. Alésia veut justement partager avec lui du plaisir et de la connaissance. Nous revendiquons une thématique exceptionnelle et inédite, puisqu’on ne la trouve qu’ici. Avec le MuséoParc Alésia, il faut promouvoir tout un territoire – Bussy-Rabutin, les forges de Buffon, l’abbaye de Fontenay, la cité médiévale de Semur sont à deux pas –, être le relai d’une politique départementale inclusive, aller au-devant d’un public qui reçoit toujours plus de sollicitations… Cette dynamique territoriale est essentielle.
Cela est moins visible, mais le MuséoParc porte aussi une ambition internationale…
Au regard de sa thématique, un établissement comme le nôtre doit élargir son champ de vision, à l’échelle de ce qu’Alésia fut. L’exposition sur Alix permettra justement de voyager autour du bassin méditerranéen à l’époque du siège. Nous avons d’autres sujets d’expositions dans les cartons sur ces thématiques internationales. Le MuséoParc Alésia nourrit par ailleurs des projets de recherche avec l’université de Turin et a intégré un groupement de sites ayant des voies romaines partout en Europe : Italie, Belgique, Portugal et même Serbie, où notre directeur général adjoint Thomas Pascal s’est rendu récemment pour constater à quel point ce pays fut une terre d’empereurs romains.
Un directeur doit-il aussi aborder le virage de l’éco-gestion ?
J’y suis particulièrement sensible, ayant eu la responsabilité des domaines départementaux de Chamarande et Méréville. Nous y parlions éco-paturage, gestion de forêts et de berges, intégration de l’art dans un milieu naturel… Mais le MuséoParc n’a pas attendu ma venue pour se positionner sur la gestion de ses abords, intégrer des modes de déplacements doux, gérer l’eau et les déchets. À ce propos, je relie le développement durable à la notion de vivre ensemble. Un établissement culturel et touristique doit proposer un cadre idéal pour « faire société » et répondre à une question centrale : pour quelles raisons une famille va passer une journée complète ici ? Je viens de jeter un œil à l’un de nos MuséoFabs, l’atelier gravure sur bois, j’y ai vu des familles qui passent du temps ensemble, aiment la nature environnante et se projettent dans un territoire.
Au fait, vous a-t-on a parlé de Michel Rouger, votre prédécesseur ? Quel est votre style à vous ?
Oui ! (sourires) On ne réinvente jamais complètement les choses, j’hérite aussi de beaux projets en cours et d’une dynamique encourageante. Mais je vais apporter ma patte. Il y a encore des chantiers passionnants sur la programmation, l’attractivité auprès de nos publics cibles, le développement durable, les partenariats. En tout cas, je serai sur le terrain. Pour avoir joué au Stade dijonnais dans les années 90, je connais les notions de collectif et d’engagement. S’il faut mouiller le maillot, on mouillera le maillot !
Alix, l’exposition à ne pas manquer
Cette exposition présentée du 13 mai au 30 novembre 2023 évoque les voyages d’Alix, le tout premier héros gaulois de la BD. En prenant appui sur l’œuvre passionnante de Jacques Martin, le visiteur découvrira un passionnant panorama du Ier siècle avant J.-C : Marseille, Rome, Pompéi, Athènes, Olympie, Babylone, Jérusalem, Pétra et Alexandrie. Ou comment comprendre ce qui se jouait, en même temps que le siège d’Alésia, dans tout le bassin méditerranéen. « La déambulation s’étendra au-delà de l’espace d’exposition temporaire, dans l’atrium et le parcours de visite permanent », précisent les responsables du musée.