La Côte-d’Or propose une passionnante grille de lecture géographique. Un peu à la façon du Périgord qui décline ses couleurs, on peut la définir en quatre éléments : l’eau, la terre, la vigne et la forêt. Épisode 1 avec la terre nourricière des bocages de l’Auxois.
C’est dans, et autour, du bocage verdoyant de l’Auxois que s’épanouissent les vaches charolaises. Placides et charpentées, elles contribuent à la renommée gastronomique de la Bourgogne, et de la Côte-d’Or, l’un des berceaux de leur élevage. En s’écartant, par l’ouest, de la capitale ducale, le paysage s’adoucit en pleins vallons, d’un vert aussi éclatant qu’opulent. Dans ces bocages de l’Auxois, striés de mille haies, et sur les premiers contreforts du Morvan, la vache charolaise règne en maître. Il y a tout, ici, pour que s’épanouisse cette extraordinaire race, spécialisée au XXe siècle dans la production de viande. L’animal possède les atouts pour faire saliver le gastronome et complaire, à l’éleveur autant qu’au boucher. Avec sa belle robe, blanche et crème, son étonnante capacité de croissance – jusqu’à 2 kg de masse gagnée chaque jour – et sa relative placidité, la charolaise vit aussi bien en Côte-d’Or que dans son berceau natal du Charolais-Brionnais.
Pourtant, ces dernières décennies, marquées par les intraitables impératifs économiques, nos charolaises bourguignonnes affrontent une rude concurrence, des Limousines et des Blondes d’Aquitaine, qui offrent des « rendements carcasse » – pardonnez la poésie – un peu supérieurs. C’est que nos vaches charolaises sont charpentées, bâties comme des tanks agricoles, dont le poids peut dépasser une bonne tonne et demie, grâce à une structure osseuse plus massive que celle de ses concurrentes. Mais l’os, ça pèse, sans rapporter un kopeck.
L’exemple d’Émilie Jeannin
Qu’on se rassure, il n’y a pas vraiment péril en Charolais et l’on comptait tout de même près de 1 600 éleveurs et plus de 230 000 têtes lors du dernier comptage de ces dames côte-d’oriennes en 2013. Ces messieurs ne sont pas en reste, utilisés comme reproducteurs un peu partout en France, notamment dans le cadre de croisement avec des races laitières, pour en améliorer les aptitudes bouchères. En 2000, 40 % des croisements s’opéraient avec des taureaux charolais. Et la filière ne s’endort pas sur sa notoriété. Au contraire, elle fait montre d’une inventivité nationalement saluée et compte de vrais précurseurs qui imaginent l’élevage de demain.
C’est le cas d’Émilie Jeannin, qui, avec son frère Brian, a lancé la marque Bœuf éthique pour conjuguer bien-être animal et production de viande de qualité. Si on en doutait, les deux sont intimement liés, et leur association indéfectible est sans doute la meilleure réponse à apporter aux légitimes interrogations sur la consommation de viande. Le tandem familial installé au nord de Pouilly-en-Auxois pousse sa réflexion plus loin encore, pour donner sens à l’idée d’agriculture locale, et inaugure le premier camion d’abattage mobile en France. Un concept venant du nord, qui évite le stress des longs voyages vers l’abattoir tout en garantissant une totale sécurité sanitaire. —