Étudier, concevoir et réaliser : Keops Conception définit ainsi la pyramide de ses compétences. Parmi de nombreux chantiers qui font le CV flatteur de cette talentueuse PME, celui de Comège à Saint-Germain-du-Plain, en Saône-et-Loire. C’est aussi l’histoire de la rencontre entre deux « gadz’arts » passionnés : le premier construit des bâtiments, le second des engins de levage. Alchimie en mode production.
À un « h » près, cette entreprise aurait pu être le tombeau d’un grand pharaon, l’une des sept merveilles du monde. Par analogie à la mystérieuse et fascinante construction égyptienne, Keops Conception ambitionne plus sérieusement d’être un modèle de rigueur et d’audace. Ce qui ne s’oppose pas à la créativité et à l’adaptabilité, dont son dirigeant et fondateur Dominique Moreau, pur produit des Arts et Métiers de Cluny, semble être doté. L’ingénieur Ensam est victime d’une pathologie courante dans son cursus : depuis des décennies, il fait pousser des bâtiments industriels, des ateliers, des bureaux, des usines, des entrepôts et des complexes de toute sorte entre Lyon et Dijon principalement. Son jardin de bâtisseur est encore bien vert.
Keops Conception revendique trois métiers de base : l’étude, la conception et la réalisation. Elle s’appuie sur une vingtaine de spécialistes aux compétences complémentaires répartis sur trois sites, près de Lyon où siège l’entreprise, à Chalon-sur-Saône et à Dijon. Cette PME adopte une philosophie partenariale basée sur la conscience d’œuvrer sur le long terme. Une vision et un état d’esprit que résume une phrase habilement conçue : « Nos métiers construisent votre image. »
Les projets qu’elle a menés à bien ont façonné, chacun dans sa spécificité, la réputation de Keops. Dominique Moreau tient à préserver chaque chantier des faux rythmes : « À tous mes clients, je dis de prévoir encore plus grand. » La démarche est préventive. Une fois le chantier terminé, les murs dressés, le process de production réglé, la moindre absence de terrain est une absence de perspective. Elle peut s’avérer fatale en crise de croissance.
L’exemple de Comège
Thibaut Egeley a pris la mesure de tels enjeux. Aux côtés de Ludovic et Sébastien Geoffroy, il dirige et développe la belle entreprise familiale de construction métallique Comège, à Saint-Germain-du-Plain, près de Chalon. Comège est le leader français des appareils de levage et de manutention. Ce qui suppose de l’espace, des contraintes de sécurité et des outils de production à grande échelle, que l’entreprise a la capacité de produire pour elle-même. Une logique en boucle : pour pouvoir créer des outils de levage, il faut avoir ses propres outils de levage.
L’histoire de Comège est aussi locale qu’exemplaire. Elle commence par le patriarche Gérard Geoffroy, une génération plus tôt, dans les ateliers de Réel, un poids lourd de la construction mécanique. Les Geoffroy ont ensuite gagné leur émancipation avant de se retrouver à l’étroit, à Saint-Germain-du-Plain.
« Sans le dialogue avec les collectivités locales, qui nous a permis de trouver un terrain à la mesure de nos besoins, à cheval sur Saint-Germain et Ouroux-sur-Saône, nous aurions sans doute été contraints de partir », se félicite Thibaut Egeley.
C’est alors qu’intervient Keops Conception. Contexte : l’usine emploie une cinquantaine de personnes, dont 35 à l’atelier, « des Bressans pour la plupart, des gens travailleurs ». Elle a besoin de 11 000 m2 pour s’exprimer, le gigantisme appelle le gigantisme. Pour garder sa position aussi : 80 % du levage au sol sur le territoire national, 10 à 12 millions d’euros de CA, un fort pari sur l’export. Comège s’organise selon un flux en escargot. Ce qui n’en fait pas pour autant l’éloge de la lenteur. Sur ce point, Dominique Moreau n’est pas intervenu. « J’avais affaire à un gadz’art », plaisante cet autre bressan AOP. Les deux ingénieurs de formation sont sur la même longueur d’ondes. D’autant que la méthodologie qui a conduit au choix de Keops ne souffre pas la contestation. « Nous avons consulté le personnel sur plusieurs projets, sans évoquer la notion de coût. »
En silence et en souplesse
En étroite collaboration avec le cabinet d’architectes chalonnais Sénéchal Auclair, Keops s’est emparé de la mise en œuvre d’un chantier qui représente un budget de 9,5 millions d’euros, dont 7 pour la partie bâtiment et 2,5 pour le parc machines. « On a mis en place une grille de qualification du projet, pour éviter les déchets et tenir nos engagements », commente Dominique Moreau. Ce dernier fait de la tenue des délais et des budgets annoncés une priorité absolue, revendiquant au passage « une indépendance financière assumée », très utile lorsqu’il s’agit de discuter avec les fournisseurs. En moins de dix mois, le contrat a été rempli. Le site fonctionne. Il est opérationnel depuis décembre 2019.
L’outil de production appelle cependant des solutions adaptées. « L’État incite à l’amélioration des conditions de travail, les capacités de levage individuel ont baissé de 20 à 15 kg, et nous devons limiter à tout prix la poussière et le bruit », rappelle le directeur de Comège. À Keops d’apporter les éléments de réponse, en temps et en heure, dans les lignes du prévisionnel.
Le résultat peut surprendre. L’immense atelier s’anime d’un ballet métallique, où des géants de fer dansent et passent d’une main à une autre, en silence, dans un espace de propreté qui nous éloigne définitivement des Temps modernes de Chaplin. 20 ou 30 tonnes, désormais, ça se lève en appuyant avec un pouce, dans une ambiance paisible. Les magiciens à qui l’on doit ce résultat sont au moins deux : le premier construit les machines, le deuxième des bâtiments. Nos gadz’arts ne diront sûrement pas le contraire.