À l’image de ses lunettes, Joël Césari est un original, un esthète anticonformiste en quête de nouveauté qui porte un regard décalé sur les choses qui l’entourent. Amateur d’art contemporain et partenaire régulier du musée de Dole, sa vision de la cuisine n’a rien d’académique, pour autant le chef connait ses classiques.

Par Geoffroy Mohrain
Photo : Jean-Luc Petit

«  Joël Césari, l’artiste  », c’est ainsi que Gilles Pludoswki, l’influent chroniqueur gastronomique, présentait le chef dolois en 2011 sur son blog. C’est dire si notre homme ne s’est pas senti dépaysé dans l’enceinte d’un musée des Beaux-Arts qu’il fréquente régulièrement, en tant que simple visiteur ou comme animateur, pour mélanger arts et gastronomie le temps d’un «  apérimusée  ». Avec sérieux, mais sans jamais se prendre trop au sérieux, toujours avec une bonne rasade d’humour et d’autodérision. Longue silhouette filiforme, baskets Converse aux pieds et lunettes singulières sur le nez – striées de noir et de blanc ce jour-là, un autre jour roses, rondes, blanches, carrées, rouges, rayées, asymétriques… il les collectionne, elles sont ses fétiches, sa signature. Il est comme ça Joël Césari, à la fois nature et sophistiqué, un peu à l’image de sa cuisine.

Créativité débridée

Joël Cesari bondissant à côté du Pensador (2006), la figure centrale de « Microbiota », l’exposition présentée au musée des Beaux-Arts de Dole.

La créativité parfois débridée du chef, qui l’entraine (en coulisses seulement) sur des terrains expérimentaux, n’empêche pas pour autant une grande technicité et une maitrise parfaite du répertoire gastronomique classique. Il faut dire que le jeune Dolois, « pur produit Solvay » comme il s’amuse à dire, a été à bonne école avant de revenir au pays un peu par hasard : dernier apprenti d’André Jeunet à Arbois, le cuisinier en herbe a poursuivi sa route dans plusieurs grands établissements parisiens étoilés, avant de terminer son parcours initiatique chez Lameloise à Chagny, excusez du peu. Revenu à Dole en 1988, il devient enfin son propre chef, d’abord aux Templiers en ville, puis à La Chaumière à partir de 2004, en bord de route à l’a sortie de la ville, avec un hôtel haut de gamme à la clé. Le cadre « pierre et bois » a le chic années 1980, alors que la carte joue le régionalisme avec un vent de modernité bienvenu et un goût de bistronomie avant l’heure. Le succès est immédiat, couronné en 2008 par une étoile Michelin, la seconde du Pays dolois après celle de Romuald Fassenet (Château du Mont-Joly à Sampans). La cuisine « ludique et cool » de Césari, comme le guide rouge la qualifiait au départ, a gagné ses lettres de noblesse.

L’artiste peut poursuivre sa démarche culinaire, qui le guide vers une cuisine précise et raffinée, légère et créative, simple et insolite, toujours au service du produit : « Nous sommes là pour défendre le beau et le bon », affirme-t-il haut et fort. Et d’être récompensé en découvrant le plaisir gourmand dans les yeux de ses clients, leur étonnement d’une saveur, d’un accord : le magret qui se colore de bonbons arlequins, le thon marié à la vanille, les endives caramélisées dans un dessert élaboré comme un plat… Césari l’artiste pioche dans la palette du terroir jurassien et du reste du monde pour composer ses créations, jouant sur leurs saveurs, leurs couleurs, leurs textures. Un simple coup d’œil à la carte donne déjà un aperçu du voyage auquel le chef vous convie : fine tarte friable, escargots Bonvalot, girolles abricot ; homard bleu, espuma céleri pommes shitaké ; cancoillotte maison au savagnin ; morilles, absinthe glace curry… Bienvenue au pays enchanté de Césari.

La Chaumière, 346 avenue du Maréchal-Juin, 39100 Dole, 03.84.70.72.40
 fermé samedi midi, dimanche midi et lundi – Formule à 26 euros le midi en semaine