— Autrefois « sœur et émule de Rome », la vieille cité a choisi un maire « startuper ». Diplômé HEC et Sciences Po, propulsé à 29 ans à la tête d’Autun au lendemain des législatives, Vincent Chauvet promet qu’il va faire de sa ville la plus « hype » de Bourgogne !
La loi sur le cumul des mandats a mis un coup d’accélérateur à la vie politique d’Autun. Rémy Rebeyrotte ayant gagné son siège à l’Assemblée nationale, son jeune protégé, dont on annonçait la consécration dans quelques années, est immédiatement passé aux manettes de la Ville. De toute évidence, ce jeune diplômé HEC et Sciences Po ne compte pas « sous-jouer » son rôle de maire. Tout sauf complexé par ses 29 ans, Vincent Chauvet assure qu’Autun sera bientôt la plus « hype » des villes de Bourgogne-Franche-Comté.
La belle Eve
Autun pour les nuls, c’est à la base Augustodunum, « sœur et émule de Rome », ancienne capitale gallo-romaine des Eduens, née elle-même de la chute de sa voisine, la mythique Bibracte celte, aujourd’hui grand site européen d’archéologie. Autun, c’est une cité-patrimoine exemplaire, où le mystère ne cesse de côtoyer l’extraordinaire. Par son attitude équivoque, nue et lovée dans sa pierre, la belle Eve, historiquement sculptée par Gislebertus sur le tympan de la cathédrale, aujourd’hui libérée et exposée aux yeux de tous, ne se lasse pas de troubler les voyeurs cultivés. Quant à ces mystérieux monuments que sont le temple de Janus et la pierre de Couhard, jaillissant comme par miracle du sol et du passé, ils interpellent depuis des siècles l’érudit, promettant de ne jamais totalement livrer leurs secrets.
Le jeune maire d’Autun, Vincent Chauvet, sur les vestiges du temple de Janus, un édifice cultuel d’inspiration celto-romaine probablement édifié dans la seconde moitié du Ier siècle, comme l’ensemble des principaux monuments de l’antique Augustodunum. © Jean-Luc Petit
Mamelles de charme
Autun a les stigmates de la grandeur passée. Son théâtre de 20 000 places fut le plus grand en capacité de la partie occidentale de l’Empire romain. Ses majestueuses portes Saint-André et d’Arroux témoignent du sens de la beauté dont cette époque antique savait s’emparer. Même l’ancienne mine des Télots, pourtant faite de sueur et de travail ingrat, dégage un certain charme. Ces deux mamelles géantes de Saint-Forgeot, posées sans pudeur à l’entrée nord de l’agglomération suite à une longue période d’exploitation du schiste bitumineux, ravivent la mémoire d’une épopée glorieuse durant laquelle Autun éclairait la France entière.
Oui mais voilà, dans son histoire Autun a raté quelques trains. Un gros surtout, celui de la ligne PLM, qui profitera en revanche à Dijon. Dur constat pour une cité qui doit vivre avec sa réalité géographique de porte du Morvan. Un constat négatif qui a le don d’agacer sérieusement Vincent Chauvet : « Il y a une certaine légende noire qui perdure autour d’Autun, or, bien des vents nous sont favorables. »
Le grand chantier
Le jeune maire serait-il pour autant un geek éthéré de la gestion municipale ? Pas vraiment, si l’on considère ses origines, du côté de la Grande-Verrière, dix kilomètres plus à l’ouest, ou bien l’une des premières prises de position de son mandat, qui consista à appeler les citoyens à masquer les pubs de McDo. En cause, des publicités inesthétiques qui cadrent mal avec une ville candidate au label Unesco au titre de son appartenance aux sites clunisiens. Dans une ville d’art et d’histoire organisée autour d’une cathédrale, cela a du sens.
Le projet de Vincent Chauvet, dans la continuité de ce qui a été entrepris par son prédécesseur, c’est de porter le numérique au meilleur de l’art de vivre, au plus fort de l’économie locale, comme l’atout numéro un de l’attractivité de son pays. La sous-préfecture saône-et-loirienne, distante d’une petite heure de la métropole burgondo-comtoise, a en effet une population vieillissante. Et le mouvement créé par le formidable projet de rénovation muséographique et patrimonial, où les technologies nouvelles prennent pied, permet d’exposer la ville au monde virtuel. Avec un objectif majeur : capter une population nouvelle, entrepreneuse, plus jeune évidemment.
Startup et coworking
« D’abord, constate le premier magistrat, il est bon de se souvenir que l’image de la Bourgogne est bonne ; beaucoup d’Européens veulent acheter des résidences secondaires par chez nous ! » Ne niant pas la concurrence à laquelle Autun est confrontée, parmi une centaine de villes de sa taille, le maire compte sur les usages numériques et la qualité de vie ambiante pour créer et insérer des start-ups. « Plusieurs filières de formation numériques sont dans les tuyaux, un espace de coworking va naître, tout cela va se conjuguer avec des efforts de plusieurs millions engagés autour du grand chantier Rolin. » Ce chantier se résume à la réorganisation globale d’une partie du fabuleux patrimoine de la ville, mettant en scène et en jeu l’hôtel Rolin-Lacomme (XVe-XVIIe s.), l’ancien palais de justice (XVIIe-XIXe s.) et l’étonnante prison panoptique (milieu XIXe s.) rachetée par la municipalité en 2002. Que des sites classés aux Monuments historiques. La réflexion dure depuis une quinzaine d’années et demandera encore quelques moments de patience avant de voir complètement le jour. Mais ça bouge déjà entre pierre et écran.
Campagne numérique
Cette radicale remise en question de l’espace urbain véhicule des technologiques nouvelles et redistribue au passage les cartes de l’économie touristique. Quand on doit imaginer les choses, les mettre en perspective, rien ne peut remplacer la 3D. Depuis l’été 2016, face au tympan de la cathédrale Saint-Lazare, un dispositif numérique permet aux visiteurs de suivre « les métamorphoses de la ville au fil des siècles ». Le Grand portail de la cathédrale a lui-même été reconstitué, décrypté et révélé dans un film 3D fascinant.
Ces millions d’euros injectés dans le destin « patrimonio-numérique » d’Autun sont le symbole d’une fusion vertueuse entre le passé et l’avenir de la ville. « Un Autunois revenant de vacances me confiait récemment que son séjour chez Center Parcs avait été ennuyeux, car selon lui et sa famille, ils vivent la même chose en mieux ici au quotidien », se plait à raconter Vincent Chauvet, aussi chauvin que Chauvet en la circonstance.
Il n’a pas vraiment tort. La beauté des paysages et la qualité générale de l’environnement sont des arguments parfaitement recevables pour qui veut soigner sa qualité de vie. Le télétravail et d’une manière plus générale les métiers liés au numérique permettent de réinventer l’équation qui, hier encore, obligeait chacun à se perdre dans une métropole. Autun, après tout, ne manque d’aucun service et se trouve à 2 h 30 de Paris. De plus, « les urbains sont de plus en plus nombreux à penser que le bonheur est aussi dans le pré ».
Signe distinctif d’une évolution palpable, la venue en juillet 2017 du Festival du journalisme vivant, initié par les très branchées revues XXI et 6 mois. L’événement veut renouer avec la grande tradition du reportage au contact des gens, le photojournalisme, voire une forme de théâtralité du réel. « C’est le genre d’événement qui nous convient parfaitement », conclut Vincent Chauvet, pas peu fier de voir qu’Autun « est dans le bon alignement des planètes entre les urbains qui rêvent de campagne, le made in France et l’art de vivre ». Tout cela, numériquement parlant, est parfaitement « hype ».