Concédant être plus rouge que blanc, le président du Département prend le sujet de la vigne et du vin très au sérieux. En témoigne la réhabilitation à venir de la Route des Grands Crus. Entretien.

La Côte-d’Or n’a pas été nommée ainsi par hasard. Quelle place occupe la vigne dans la politique du Département ? 

François Sauvadet : Une place majeure ! Du Châtillonnais à la Côte de Beaune, on parle de 9 000 hectares pour environ 7 000 salariés dans les exploitations viticoles. Par son poids dans l’économie et son rayonnement, la viticulture contribue à l’attractivité de notre département. On l’a encore constaté avec ce superbe contre-la-montre du Tour de France que Christian Prudhomme a con çu au cœur du vignoble, et qui a été vu dans 190 pays. Le choix du cadre n’était pas anodin. Nous travaillons main dans la main avec la profession, la Chambre d’agriculture et l’association des Climats de Bourgogne. Notre objectif est d’accompagner les acteurs dans les mutations auxquelles ils doivent faire face, dans leurs démarches de haute valeur environnementale… Nous sommes à leurs côtés comme nous le sommes auprès de tous les agriculteurs côte-d’oriens.

Bourgogne Côte d’Or, bientôt Bourgogne Dijon… Le vin devient un outil de reconnexion culturelle et d’attractivité pour les collectivités. Sur ce point, reconnaissez-vous être « du même tonneau » que François Rebsamen ? 

Les Climats de Bourgogne nous font rayonner à l’international, et c’est bel et bien la Côte-d’Or qui est la locomotive des vins de Bourgogne. C’est pour cela que nous capitalisons, avec nos partenaires, sur l’appellation Bourgogne Côte d’Or obtenue en 2017, au prix d’un âpre combat pour que l’Inao reconnaisse cette dénomination géographique complémentaire. J’avais même écrit au ministre de l’Agriculture de l’époque pour accélérer la publication du cahier des charges au Journal officiel ! Grâce à cette reconnaissance, le nom de la Côte-d’Or participe à faire rayonner encore plus notre département. Je me réjouis que le maire de Dijon, ville déjà identifiée avec un produit iconique, la moutarde, rejoigne cette dynamique de promotion des vins et de nos terroirs côte-d’oriens.

En 2019, le Département a acquis une parcelle viticole à Pommard. Allez-vous devenir vigneron ? 

Nous allons réaliser les sixièmes vendanges de nos 63 ares de vignes départementales. C’est une grande fierté que d’avoir confié cette exploitation à l’Entreprise Adaptée Viticole, en lien avec l’association des Papillons Blancs de Beaune, qui permet à des personnes en difficulté de s’insérer socialement et professionnellement. Notre objectif n’est pas de jouer au vigneron mais bien de mettre en œuvre un lieu d’expérimentation en viticulture dans un contexte d’adaptation au changement climatique. Ce projet est mené en coopération avec les professionnels et différents intervenants du domaine de la vigne et du vin mais également de l’agriculture biologique. Nous avons confié l’élevage des vins au jeune Valentin Rossignol, du domaine Rossignol-Février à Volnay. Les résultats sont positifs, sur les plans social, économique et viticole. 

Savoir-faire 100% Côte-d’Or est votre marque de fabrique, dans la droite ligne de cette approche territoriale. Jusqu’où peut-elle aller ?  

Nous avons considérablement développé la marque, qui compte aujourd’hui un millier de produits pour plus de 500 agréés, dont 21 chefs cuisiniers ambassadeurs, un chiffre hautement symbolique ! C’est une formidable dynamique qu’il faut poursuivre. Nous sommes co-responsables de ce gage de qualité et d’authenticité auprès des consommateurs. Cette aventure permet de développer un message fort : mangez, faites-vous plaisir, mais mangez local, mangez Côte-d’Or, car c’est synonyme de qualité, de goût, et de soutien à l’activité.

La Route des Grands Crus fait l’objet d’une modernisation pour ses 90 ans. À quoi ressemblera « la première route œnotouristique au monde » en 2027 ? 

Cette route a été créée en 1937 à l’initiative du Conseil général de la Côte-d’Or, ce qui en fait la plus ancienne route œnotouristique du monde. Nous sommes héritiers d’une histoire qu’il faut projeter dans le 21e siècle et nous devrons être inventifs. Ce projet d’envergure – avec une première enveloppe de 5 M€ – touche d’abord à la valorisation paysagère. Nous en sommes au stade des études sur les principaux axes routiers traversant la zone des Climats. La Route des Grands  Crus de Bourgogne doit devenir plus que jamais une destination d’excellence, en phase avec son temps, exemplaire d’un point de vue environnemental et paysager mais aussi en communion avec la biodiversité et le savoir-faire viticole.

© Alain Doire / Bourgogne Tourisme

Petit exercice d’accords mets et vins : parmi les centaines de produits 100% Côte-d’Or, lesquels constituent spontanément votre « plateau » idéal ?

D’abord la baguette Côte-d’Or, notre premier produit agréé, qui constitue une bonne base. Ensuite le fromage « Côte-d’Or » de chez Delin, qui nous accompagne dans cette aventure depuis le lancement de la marque en 2019. Et bien sûr, avec du pain et du fromage, un Bourgogne Côte d’Or rouge.

Votre double culture, urbaine et rurale, a-t-elle façonné votre rapport au vin ? 

Je dirais plutôt que c’est une culture côte-d’orienne au sens large qui a façonné ce rapport. J’avoue un certain chauvinisme sur le sujet : bien que je sois président de Départements de France, en matière de vins, les meilleurs sont ceux de Côte-d’Or. Je reste ouvert à la découverte d’autres régions, voire d’autres pays, mais mon palais est incontestablement côte-d’orien !

N’y allons pas par quatre chemins de vigne : au sujet des petits plaisirs vineux, avez le temps et la fonction, vous êtes-vous embourgeoisé ?

Honnêtement, j’ai toujours le même plaisir à déguster un Bourgogne Côte d’Or et j’aime également les vins des Hautes-Côtes. En famille ou entre amis, le vin fait partie des plaisirs de la table. Dans un département comme le nôtre, il faut savoir associer les mets et les vins. Je m’efforce donc de rester compétitif sur le sujet ! Et pas uniquement avec des vins rouges.

Le vin est une capsule temporelle. L’associez-vous à un souvenir joyeux en particulier ? 

J’ai une tendresse particulière pour le millésime 1993. C’est l’année de ma première élection en tant que député de la 4e circonscription de Côte-d’Or. Quand j’ai le bonheur d’en ouvrir une, c’est toujours un souvenir joyeux que le vin ravive !

Avant de passer à la pratique, un peu de théorie. Quelle caractéristique est la plus utile en politique : la rondeur du chardonnay ? La puissance du pinot noir ? La permanence effervescente d’un crémant ? La fraîcheur d’un rosé ? Ou tout autre chose ?

Oui, c’est un peu tout cela. On peut aussi, pour filer la métaphore, évoquer les temps forts de la vigne : les vendanges peuvent être comparées aux temps d’élections, où chacun récolte plus ou moins le fruit de son travail… Dans les vins comme en politique, il y a de très grands crus, mais l’important, c’est toujours de se bonifier avec l’âge !