Dijon a pris de l’épaisseur entre et hors ses murs. Plus peuplée, consacrée par l’Unesco, élevée au rang de capitale de la Bourgogne-Franche-Comté, François Rebsamen relève aujourd’hui le défi d’en faire une véritable métropole. Et cela pourrait bien arriver plus vite qu’on ne le croit. Rencontre avec le « boss », dans son bureau, avec vue sur les ducs.

Propos recueillis par Dominique Bruillot
Photos : Jean-Luc Petit

« Le bureau de Monsieur le maire, c’est par le grand escalier ! » Une fois en haut, à gauche de la double porte qui donne sur le cabinet, une ouverture vitrée livre le spectacle surréaliste du tombeau des ducs et de son flot d’admirateurs en visite au musée des Beaux-Arts. Pas de doute possible, s’installer à la tête de Dijon, c’est s’inscrire dans une grande lignée.

Dans le vaste pré carré historique et princier de la Place de la Libération, la puissance ducale fait écho à l’ambition municipale, l’art rejoint le pouvoir, la pierre l’esprit, l’histoire l’avenir. François Rebsamen, lui, reçoit ses visiteurs sans s’embarrasser de protocole. Et les invite directement à prendre place autour de sa table de réunion.

Les nouveaux Dijonnais

Alors, monsieur le Ministre, en 16 ans, il s’en est passé des choses, non ? « La ville s’est transformée en profondeur, hier repliée et silencieuse, elle est devenue plus jeune, plus vivante », répond simplement l’élu.

Pourtant, rien d’un long fleuve tranquille. Le « Rebs » (surnom d’usage courant ici) passe en revue les débuts de son premier mandat, un peu fébriles il est vrai, tant « la ville endettée justifiait, faute de temps et de moyens pour agir vite, de jouer sur les symboles. » En dégageant les voitures de la Place de la « Lib » pour laisser fleurir les terrasses, l’effet escompté est immédiat sans pour autant désarmer l’auteur des faits : « J’y ai gagné ma première pétition de 700 signatures et donc révélé un nouvel état d’esprit. » Un goudron dépareillé couvert par des parasols sponsorisés par les marques de bières a donc précédé le grand chantier de la spectaculaire transformation de la place ducale qui, aujourd’hui, expose sa blancheur comme le tableau révélateur de la mutation « rebsaménienne » de la ville.

Le début des années 2000 a ainsi été le temps du « check list » des grands travaux à réaliser, avec un leitmotiv qui ressemble à une profession de foi pour la nouvelle municipalité : « Réappropriez-vous la ville ! » François Rebsamen en a formulé un cahier des charges qu’il prévoyait déjà sur deux mandats au moins (« J’ai souhaité enjamber l’élection de 2007 »), dans le désir de s’imposer sur le long terme et de faire de Dijon une vraie capitale régionale, avec de grandes écoles (Agrosup et une école de commerce boostée par exemple), des équipements sportifs à la hauteur, des équipements culturels aussi.

Premier acte, séduire une population nouvelle : « On n’a pas diminué l’endettement au début, on l’a même un peu augmenté en favorisant la construction de programmes immobiliers, car la seule façon d’avoir de nouvelles recettes, c’est la création de logements qui eux-mêmes créent de l’impôt. » 600 à Junot, 500 ailleurs, les premiers signes d’une politique urbaine agressive seront suivis par bien d’autres, puisque pas moins de 10 000 logements seront construits en 15 ans. Au dernier recensement, Dijon compte 157 000 habitants contre 149 000 la fois d’avant. Le cap symbolique des 160 000 n’est pas bien loin. « Un développement raisonnable, pour l’une des rares villes à gagner de la population. »

Bienvenue chez François Rebsamen, maire de Dijon depuis 2002 (en dehors du passage du regretté Alain Millot, d’avril 2014 à juillet 2015). 16 ans de mandature, une ville métamorphosée et un solde positif de plus de 7 000 habitants. Dijon aspire maintenant à un statut de métropole.

Bienvenue chez François Rebsamen, maire de Dijon depuis 2002 (en dehors du passage du regretté Alain Millot, d’avril 2014 à juillet 2015). 16 ans de mandature, une ville métamorphosée et un solde positif de plus de 7 000 habitants. Dijon aspire maintenant à un statut de métropole.

La voie du « tram »

Le tramway est la signature la plus visible de cette révolution urbaine. Il n’a pas été, pour autant, le premier chantier d’un programme au forceps. D’autres l’ont précédé : la transformation de la place de la « Lib » bien sûr, mais aussi l’implantation du Zénith, la première tribune du stade de foot et la création du stade d’athlétisme. « Comme pour le musée des Beaux-Arts, il y avait des mètres cubes d’études mais jamais aucune décision n’avait été prise, il a fallu tout recommencer », plaide François Rebsamen, expliquant du même coup que sans lui, ce grand dossier serait sans doute resté à l’état d’Arlésienne.

Le « tram » aura repositionné sa vision de l’agglomération. Après une tentative techniquement avortée d’une navette électrique entre la « Lib » et la place de la République, il s’est imposé comme la solution pour relier les villes et les quartiers périphériques (Chenôve, Quetigny, Toison d’Or-Valmy) au centre, voire les uns aux autres. « Grâce à cette configuration géographique particulière, nous avons eu la volonté de faire tout à la fois, de construire 20 kilomètres de ligne en deux ans, avec l’aide d’urbanistes compétents et tout le monde reconnaît que c’est une réussite extraordinaire » se félicite une nouvelle fois l’architecte en chef du projet.

Dijon a des côtés hausmaniens qui ont aussi favorisé une grande mise au vert du centre. Le « tram » a semé des arbres et du gazon sur son passage. La ville, tracée par de nouvelles voies vertes, y a gagné en lisibilité. « On a refait toutes les places, à part peut-être celle de Grangier que j’aimerais bien végétaliser, mais qui pose un problème technique avec le parking » poursuit le maire, pas peu fier d’avoir eu ainsi un tel champ libre laissé par son prédécesseur : « Je ne dis pas qu’il n’a rien fait, l’Auditorium et la Toison d’Or c’est lui, mais je pourrais presque remercier Poujade de m’avoir laissé tous ces grands chantiers, car succéder à un maire bâtisseur, c’est toujours compliqué. » Comme il est toujours compliqué, en politique, de ne pas y aller de sa petite pique.

Métropolisation

Avis donc à son successeur, qui ne semble pas encore désigné, tant le destin de métropole semble préoccuper l’ancien Ministre du travail. Après avoir joué de son influence pour déclencher l’appétissant dossier de Cité de la gastronomie et ses 250 millions d’euros d’investissements confiés à Eiffage, joué collectif avec le maire de Beaune et toute la côte viticole sur le dossier des Climats de Bourgogne, sa nouvelle croisade porte en effet sur l’élévation de Dijon au rang de métropole. « Fousseret, le maire de Besançon, a obtenu d’avoir le statut de Communauté urbaine, comme toute ancienne capitale de région (ndlr : en Bourgogne-Franche-Comté, Dijon lui a soufflé le titre), alors, avec le maire d’Angoulême, qui se retrouve dans la même situation, j’ai demandé au premier ministre et au président de la République à ce que chacune des 13 nouvelles capitales devienne une métropole. »

La solution passerait par une « petite » interprétation du cahier des charges. Plutôt que de raisonner sur une population minimale de 400 000 habitants, il s’agirait de le faire sur un bassin d’emplois du même tonneau. « On en a 420 000 » se réjouit déjà François Rebsamen qui, en entrant dans ce prestigieux club fermé des 13, trouvera une place à la mesure de son ambition, entre la décision nationale et la charge territoriale. L’échéance pourrait bien tomber à la fin de l’année 2016…

Imaginons aussi, dans le même temps, que la côte dijonnaise retrouve tout son faste et que les plus hautes instances viticoles accordent à Dijon son appellation village, ce qui ne semble pas impossible à voir comment la ville s’investit dans la reconquête de son vignoble. Le « Rebs » pourrait y gagner une reconnaissance aussi éternelle que celle d’un duc dans son tombeau. Et célébrer plus que jamais les bienfaits d’une formule choisie, in vino veritas.