Pour son dernier mandat, il peaufine la lente construction de la métropole verte qu’il imaginait dès son arrivée en 2001. Reprise en main des déchets, places sans voitures, tramway, gestion directe de l’eau et de l’alimentation, « hydrogénisation » des transports, la smart city et, pour la touche finale, des places et des parkings (dont celui du Zénith) couverts de panneaux photovoltaïques. François Rebsamen est un roi solaire chez les ducs.
D’autres, avant lui, ont forgé leur renommée dans ce bureau. Gaston Gérard, le gastronome. Félix Kir, le célèbre chanoine bourru. Robert Poujade, le premier à devenir ministre de la Nature et de l’Environnement. Selon toute vraisemblance, François Rebsamen ne battra pas le record de son prédécesseur, trente ans aux manettes (1971-2001). S’il passe la main, en 2026, il aura quand même siégé un quart de siècle dans cette immense pièce aux plafonds hauts, qui célèbre la grandeur ducale et côtoie l’impressionnant Musée des Beaux-Arts.
D’ailleurs, quand il se rend au travail, le matin, sur sa gauche, avant d’ouvrir la grande porte du premier étage, il ne peut échapper à la vision de ce joyau dont il aura été aussi le valorisateur. Tout juste séparée par une ouverture vitrée, la salle des tombeaux s’expose en toute transparence, sans fausse pudeur, au regard des passants. Le maire de Dijon et président de la Métropole, c’est inévitable, a une pensée pour Philippe Le Hardi. Le duc inspiré imposa le pinot noir à la Bourgogne. Magnifiquement sculpté par Claus Sluter, son tombeau pourtant vide invite au recueillement. Dijon est bénie des dieux.
La « sociale écologie »
François Rebsamen est en forme mais conscient des limites d’un engagement. Le mandat de trop, c’est promis, pas pour lui. Il veut laisser une ville éco-responsable, maîtrisée, pour ne pas dire « verte ». Aux mains de qui alors ? La réponse est faussement mystérieuse : « J’espère que ce sera une femme, avec de l’expérience et qui aime les gens. J’en connais une. » Fin du suspens.
Sa vision, celle qu’il qualifie désormais de « sociale écologie », lui survivra sans doute. Elle s’est pourtant construite au gré des expériences diverses, avec quelques vents contraires, tout en ayant pris racine au tout début de son arrivée à la tête de la ville. Avec une première décision qui posera les fondations d’un projet mené sur le long terme : « En 2001, le premier sujet à traiter à Dijon fut celui des déchets. On m’avait proposé à l’époque une solution d’enfouissement, j’ai dit stop ! » Philippe Roumilhac, le regretté directeur du pôle environnement de Dijon Métropole, parti en 2020 à l’âge de 59 ans seulement, avait alors conseillé à François Rebsamen d’investir dans l’incinération.
100 millions d’euros seront ensuite engagés dans l’usine des déchets, un turbo alternateur géant qui permet d’alimenter en chaleur le réseau Dijon Énergies, 130 kilomètres dans toute sa longueur. « Un alternateur construit au Creusot », souligne fièrement le maire, avant d’annoncer que la suite est déjà écrite avec, au programme, « 60 millions d’euros réinvestis en vue de 2030 ».
La politique est un art qui se consomme et se consume au gré des opportunités. « À Dijon, nous brûlons 85% des déchets de la Côte-d’Or. Seule Beaune n’est pas concernée. » Une première partie du message est bien évidemment adressée au président du Département, la seconde au maire de la ville des fameux Hospices. Ça fait toujours du bien de le dire.
2001-2023, l’odyssée du vert
Plus concrètement, deux centrales biomasses ont rejoint l’usine depuis. Une complémentarité capable, selon le maire, d’assurer 50% de l’énergie dont l’agglomération aurait besoin. Dans les pages suivantes, les élus proches de François Rebsamen décryptent les actions qui posent l’environnement au cœur de la cohérence du projet global : passage à l’hydrogène (Jean-Patrick Masson), stratégie multimodale et mobilité douce (Nathalie Koenders), première smart city de France (Denis Hameau), alimentation en circuit court (Philippe Lemanceau), gestion optimisée de l’eau (Antoine Hoareau).
Le Dijon de 2023, c’est une évidence, n’a plus rien de commun avec le Dijon de 2001. Question respiration de l’air notamment. Qui pourrait regretter aujourd’hui les voitures sur les places de la Libération et de la République ? Qui pourrait reprocher au tramway (« le troisième plus performant de France ! ») de se déplacer sur des bandes d’herbe verte ? La piétonisation et la restructuration ont suscité bien des débats pour, finalement, appartenir naturellement au paysage urbain. Mais le maire de Dijon, président de la Métropole, bien que partant dans trois ans, ne peut s’empêcher de se projeter vers l’avenir. En ajoutant un peu de soleil à sa dernière proposition : « Nous allons couvrir le parking du Zénith de panneaux photovoltaïques, sous lesquels les voitures iront stationner, puis nous couvrirons d’autres parkings. » À bien y réfléchir, cela tombe sous le sens. On devrait en reparler bientôt. Il y a déjà quelque chose du « roi solaire » dans ce François Rebsamen en fin de règne.
Dijon-Valmy : de décharge à centrale photovoltaïque
C’était en octobre 2021. En l’espace de huit mois, le parc photovoltaïque de Dijon-Valmy poussait sur les 16 ha d’un ancien centre d’enfouissement technique de déchets inertes. 43 000 panneaux pour alimenter 8 000 habitants à l’année, fruit d’une convention « Ville intelligente » entre les équipes de Dijon Métropole et d’EDF Renouvelables. Initié en 2017, le projet de centrale photovoltaïque se situe sur l’ancien centre d’enfouissement technique (CET) des déchets de la ville. Y étaient stockés des gravats et des résidus de chantiers de construction. Fermé en 2018, le site a été réhabilité par Dijon Métropole au cours de l’été 2020. Fier de cette première centrale photovoltaïque à Dijon, qui semble réconcilier environnement urbain et énergies renouvelables tout en réhabilitant un site voué à la friche sans toucher aux terres agricoles, le maire François Rebsamen rappelait lors de l’inauguration que « la lutte contre le réchauffement climatique n’est pas une passade, c’est une obligation ». D’autres projets à énergie solaire vont voir le jour ces prochaines années sur la métropole. C’est notamment le cas du parking du Zénith de Dijon, a glissé l’édile. Affaire à suivre.