La crise sanitaire et les élections municipales étant passées par là, on sait enfin que la Cité internationale de la gastronomie et du vin de Dijon verra le jour au printemps 2022. Pour Dijon Capitale, François Rebsamen livre sa vision de la table et de son grand projet. Il entend « renouer en tout point avec ce lien originel qui unit Dijon au monde du vin ».
Le repas gastronomique des Français est inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco. Pour autant il n’a rien d’immuable, il ne cesse d’évoluer…
F. R. : Les modes alimentaires ont évolué, mais cela reste le repas des Français, une culture et une histoire à part entière, indissociable de l’histoire de France. Les monarchies et les républiques ont influencé la cuisine comme elles ont influencé les arts, la peinture et la littérature notamment. L’agriculture, et à travers elle l’agrobiologie, évoluent elles aussi. La composition du repas accorde le plaisir de la table au bien-être et à la santé.
La proposition scénographique de la Cité internationale de la gastronomie et du vin est très numérique. Cela ne nous éloigne-t-il pas des plaisirs du palais ?
Le digital fait son entrée partout, pourquoi pas dans la Cité internationale de la gastronomie et du vin ? C’est un bon outil pour amener de la vie dans l’exposition, il favorisera le passage à l’acte. Notre projet est populaire et festif. Nous profitons des erreurs commises à Lyon (ndlr, le dossier lyonnais aura tourné court, stoppé net au bout de quelques mois d’ouverture), pour placer le plaisir au premier niveau de la visite. À Dijon, on testera et on goûtera ensemble.
La Cité de la gastronomie s’inscrit dans un projet bien plus vaste qui est celui de la réhabilitation de l’ancien hôpital (250 M€). Le succès de l’un dépend-il de l’autre ?
Quoiqu’il se serait passé, on aurait de toute façon aménagé cette grande friche hospitalière. Cette restructuration plus globale aura une influence formidable sur le centre-ville, qui va nous amener à réfléchir sur l’entrée de Dijon, à la reconfigurer depuis Marsannay-la-Côte. La rue Monge a du charme, une histoire forte. Tout sera fait pour inciter à la découverte de notre secteur historique et renouer en tout point avec ce lien originel qui unit Dijon au monde du vin. À une autre époque, on a construit des bâtiments sur des terrains viticoles, tout près de parcelles prestigieuses comme les Marcs d’Or ou le Clos du Roy. Aujourd’hui, malgré les contraintes imposées par l’urbanisation, on valorise ce qui existe et on plante le plus possible.
Il est toujours question de faire reconnaître une appellation « Côte dijonnaise » ?
Finalement, la démarche unanime de la quinzaine de viticulteurs impliqués auprès de l’Inao (Institut national de l’origine et de la qualité) concerne plutôt une reconnaissance de l’AOC régionale complémentaire « Bourgogne Dijon ». Le nom de la ville figurera sur les étiquettes. Nous avons bon espoir.
Quid de la dimension internationale du projet ?
La Cité est internationale dans sa définition même. L’école Ferrandi par exemple formera des cuisiniers qui vont rayonner dans le monde entier, on y dégustera des vins de nombreux pays (lire pages suivantes), et la « Cité » restera de toute façon le point de départ, le kilomètre 0 de la découverte de la Bourgogne des vins, tout près des grands crus. Tout cela sera coordonné en bonne intelligence avec les offices de tourisme concernés et l’association des Climats de Bourgogne que nous représentons aussi, faut-il le rappeler, à travers notre secteur sauvegardé en centre-ville.
« Dijon sera verte, mais ne deviendra jamais Boboland »
Dijon prône les vertus de l’écologie. En quoi la Cité de la gastronomie rejoint-elle ce défi ambitieux d’une Métropole verte et exemplaire ?
La biodiversité est dans le sol qui se déroule sous le tramway. Elle s’exprime à travers notre accélérateur d’innovation AgroNov, basé lui aussi à Dijon. La Métropole s’inscrit dans un projet fort de développement de l’alimentation durable après avoir été sélectionnée par le projet Tiga (Territoires d’innovation de grande ambition) parmi 117 territoires candidats. Une autre vision de l’alimentaire va de pair avec toutes ces évolutions. Mon précédent mandat s’est ouvert avec le rayonnement de la culture et un musée des Beaux-Arts transformé, mais l’écologie demeure le fil rouge de nos choix. Dijon sera verte, mais ne deviendra jamais « Boboland ».
Nous sommes en avril 2022. La Cité de la gastronomie a ouvert ses portes. Comment vous sentez-vous ?
Je suis heureux de voir les gens heureux. Les visiteurs y trouvent de la convivialité, ils s’y cultivent et cultivent le goût du partage, et en repartent avec le sourire. On y déguste des salades du maraîchage local, des asperges de Ruffey et tout ce que les circuits courts peuvent nous offrir.
Et vous, quels sont vos petits plaisirs gustatifs ?
Un veau de 12 heures en provenance de l’Auxois ou un bon bœuf carottes par exemple. Un morceau de comté, les premières fraises de saison avec un vin léger. Tiens, pour changer des bourgognes, un pinot noir d’Alsace de chez Albert Mann. Nul n’est prophète en son assiette…