Lancement de la marque Nous Autrement, développement d’un réseau de boulangeries et de boutiques, rachat d’entreprises patrimoniales, projets de bio-énergie, maraîchage local… La coopérative agricole côte-d’orienne renforce son rôle d’acteur métropolitain, sur fonds de nouveaux usages et d’enjeux climatiques.
Il affecte profondément les pratiques agricoles et la rentabilité des exploitations. Pour s’adapter au dérèglement climatique, Dijon Céréales mise sur l’innovation et la diversification des revenus. « Nous devons explorer de nouvelles voies de valorisation des productions agricoles », explique Didier Lenoir, président d’une coopérative qui regroupe plus de 3 400 adhérents.
L’un des projets phares de cette mutation est l’agroénergie, avec notamment la méthanisation. À Cérilly, dans le Châtillonnais, l’un des plus importants méthaniseurs de France entre en fonctionnement, sur un site de 15 hectares. L’outil, qui mobilise 150 agriculteurs, répond à un besoin de terrain. En Haute Côte-d’Or, les rendements déclinants du colza imposaient des solutions alternatives. « Nous avons proposé une CIVE (Culture intermédiaire à vocation énergétique) que nous valorisons dans notre méthaniseur coopératif, qui permet d’allonger les rotations et de couvrir les sols en hiver entre deux cultures alimentaires », détaille Christophe Richardot, directeur général de Dijon Céréales.
25% des besoins de la métropole
La production débute mi-juillet, à un tiers de sa capacité de production, estimée à plus de 227 000 MWh par an (un foyer français consomme 2 à 3 MWh d’éléctricité annuel en moyenne), laquelle sera atteinte après quelques mois de rodage, « Pour donner une échelle, la méthanisation de Cérilly représente à elle seule 25 % des besoins de la métropole dijonnaise », note Eric Passetti, directeur régional de GRDF, dont le réseau reçoit le gaz produit.
Cet investissement de 95 millions d’euros, le plus important réalisé par la coopérative à ce jour, a suscité des oppositions locales, avec des riverains inquiets pour les odeurs, les rejets de digestats et l’impact sur la ressource en eau. « Il y a eu deux manifestations et deux recours, ce qui est assez peu, considérant l’échelle du projet. Et les oppositions venaient d’assez loin, d’une mouvance politique qui s’oppose à une certaine agriculture, ce que l’on peut comprendre », estime Christophe Richardot.
Dijon Céréales se tourne également vers l’agrivoltaïsme. En installant des panneaux solaires à cinq mètres du sol, la coopérative permet de cultiver sous les panneaux et de faire passer les machines agricoles.
« Une solution durable, qui protège les cultures tout en générant de l’énergie », résume Christophe Richardot. Cette technologie promet, elle aussi, de stabiliser les revenus des agriculteurs en complément des cultures traditionnelles. Ce dernier point n’est pas neutre.
Mutation coopérative
La diversification des revenus s’inscrit dans une transformation plus large du business modèle de Dijon Céréales. En intégrant la méthanisation et l’agrivoltaïsme, la coopérative répond aux défis climatiques tout en renforçant la résilience économique de ses adhérents. « Nous sommes en train de prendre un virage pour l’avenir de la coopérative et de nos agriculteurs », ajoute le directeur général.
Avec un chiffre d’affaires annuel situé entre 500 et 600 millions d’euros, Dijon Céréales entend équilibrer ses revenus, et ceux de ses coopérateurs, entre la vente de céréales, la production de bioénergies et d’autres activités innovantes. À terme, le business de l’énergie agricole pourrait représenter 30 à 40 % du chiffre d’affaires du groupe.
Dijon Céréales porte, avec l’union Alliance BFC, le développement de la marque régionale « Nous Autrement » (produits alimentaires, horticoles ou d’alimentation animale, produits transformés et consommés localement, équitables et justes pour le producteur), qui demain pourra étendre son champ à l’énergie d’origine agricole. © D.R.
La marque Nous Autrement
Au-delà de l’innovation technologique, Dijon Céréales développe une marque régionale en partenariat avec l’union Alliance BFC : « Nous Autrement » valorise les produits locaux durables. « Nous voulons renforcer la consommation locale et la souveraineté alimentaire et énergétique de notre région », explique Didier Lenoir. Cette marque regroupe déjà 80 entreprises locales, dont des acteurs emblématiques du territoire comme Mulot & Petitjean, la Fromagerie Delin ou encore la Biscuiterie Mistral, aujourd’hui propriété de Dijon Céréales.
La coopérative demeure aussi fortement impliquée dans la distribution métropolitaine et départementale. Elle gère un réseau de 11 boulangeries (dont sept Ateliers du Boulanger sur Dijon et les environs) et 11 magasins de jardinerie sous l’enseigne Gamm vert. Elle possède également les pépinières de Plombières.
Cultiver local
Dijon Céréales explore, avec le service R&D d’Alliance BFC, le champ de nouvelles cultures adaptées au changement climatique (fruitiers, petits fruits, herbes aromatiques ou médicinales, plantes fourragères…).
De nouvelles filières locales qui peuvent approvisionner les écoles de la métropole en produits frais, comme l’explique Philippe Lemanceau, vice-président de Dijon Métropole en charge de la transition alimentaire : « Nous avons travaillé ensemble sur le projet Leg’Up, visant à valoriser les légumineuses dans l’alimentation humaine et animale, qui a conduit à la création d’un produit intégrant du pois chiche d’origine régionale, testé dans les écoles dijonnaises. »
La coopérative s’est également impliquée dans ProDij, label donné à des légumes produits localement, selon un cahier des charges vertueux. Ceux-ci sont destinés aux écoles et à quelques épiceries locales, mais pourraient débarquer prochainement dans des moyennes surfaces dijonnaises.
« En nous tournant plus vers le local, nous redonnons du sens à nos métiers, et de la fierté à nos agriculteurs, qui savent où leurs produits sont consommés », apprécie enfin Christophe Richardot.