Textes : Geoffroy Morhain – Photos : Michel Joly

Au fil des siècles, les hommes ont inscrit les climats de la Côte dans les paysages et dans le calcaire, habillant leur vignoble de pierres sèches savamment agencées : murets et murgers, cabottes et cabanes, calvaires, portes de clos, escaliers… Tout un petit (mais précieux) patrimoine vernaculaire que le photographe Michel Joly nous donne ici à voir, avant d’aller le découvrir soi-même le long des chemins de vignes des Côtes de Beaune et de Nuits (voir carnet pratique en fin de dossier).

Inventaire: Murets à la loupe

L’inventaire du petit patrimoine en pierres sèches lancé en 2015 par l’Association des Climats du Vignoble de Bourgogne touche à sa fin. 220 kilomètres de murets – souvent assez dégradés – ont ainsi été recensés, diagnostiqués et cartographiés afin de définir un plan de gestion et de restauration pour les années à venir. Directeur des Climats et superviseur actif de l’opération, Bertrand Gauvrit nous livre ses premières conclusions.   

Dijon Capitale – Ce « labeur de moine » aura finalement été plus long que prévu…

Bertrand Gauvrit – Oui, le travail sur le petit patrimoine de nos climats viticoles a été lancé dès la phase de candidature auprès de l’Unesco. Ce petit patrimoine étroitement lié à l’identité et à la délimitation des parcelles étant constitutif de nos climats, nous nous devions donc de nous y intéresser. La nécessité de mieux connaitre la délimitation de cette mosaïque de vignes nous a poussé à embaucher une personne afin d’inventorier et de diagnostiquer les murets qui matérialisent en partie le découpage du vignoble. Ce travail de fourmi, mené selon une méthodologie approuvée par l’architecte des Bâtiments de France, a commencé en juin 2015, avant même l’inscription au patrimoine mondial de l’Unesco. Il devait durer quelques mois… mais s’est finalement achevé en mars de cette année seulement. Il n’en fallait pas moins pour inspecter chaque centimètre de mur délimitant les 1 247 climats du périmètre classé sur la Côte de Nuits et la Côte de Beaune.

Qu’avez-vous désormais dans votre base de données et qu’allez-vous en faire ?

Pas moins de 350 km de limites parcellaires ont été passées en revue, pour 220 km de murets inventoriés, ainsi que les fossés, les haies, les arbres remarquables, les cabottes ou les murgers également présents en bordure de parcelle. Chaque élément a été précisément localisé et a fait l’objet d’une fiche descriptive avec des photos. Toutes ces données sont en train d’être digérées informatiquement pour pouvoir être en partie mises à la disposition du public via la plateforme  IDéO BFC (www.ideobfc.fr).

Suivant la recommandation de l’Unesco, nous allons aussi fournir un rapport complet au comité du patrimoine mondial d’ici la fin 2017.

Ces informations vont désormais vous permettre de mettre en place un plan d’action sur les années à venir…

Effectivement, nous nous sommes rendu compte que l’état général de ce petit patrimoine laissait parfois à désirer, avec une nette dégradation ces dernières années. Compte tenu de l’importance paysagère de ces constructions en pierres sèches, notre devoir est de nous appuyer sur cet état des lieux pour préserver la richesse avant qu’il ne soit trop tard. Plus qu’une simple restauration, il faut envisager un programme ambitieux à long terme, basé sur la sensibilisation et la réappropriation de tout ce petit patrimoine par la population locale et les propriétaires. De nos jours, la plupart ont perdu ce savoir-faire et il va falloir former le plus de gens possible (vignerons, employés viticoles et communaux, bénévoles…) pour pouvoir restaurer puis entretenir cet héritage unique.

Un tel programme de réhabilitation coûte cher : avez-vous les moyens financiers de vos ambitions ?

Nous allons activer les dispositifs de financement qui existent déjà avec le Département de Côte-d’Or (Fonds Climats) et la Fondation du Patrimoine du Pays beaunois qui intervient jusqu’à Gevrey. Mais cela ne sera pas suffisant et nous sommes en phase active de recherche de nouveaux mécènes en plus de nos partenaires habituels, grands domaines ou institutionnels comme EDF. En plus du vin, beaucoup d’entreprises s’intéressent au patrimoine. Il faut leur expliquer que les cabotes valent autant que les grands monuments comme l’abbaye de Saint-Vivant ou le château du Clos de Vougeot.

 

Portfolio spécial Climats 

Murets et murgers

Clôtures plus ou moins régulières ou simples amas de cailloux issus de l’épierrage aux abords des vignes, les uns comme les autres constituent une véritable ossature qui délimite les Climats et fixe le parcellaire en retenant la terre sans ralentir l’écoulement des eaux de pluie.

Les murets viticoles sont construits selon une technique récurrente. Les pierres sont posées les unes sur les autres et calées par des éclats. L’ensemble est coiffé d’une ou deux rangées de pierres dressées sur chant, comme ici à Corton. Plus courante en Saône-et-Loire cette coiffe dite « en hérisson » ou « en arête de poisson » permet d’assurer un blocage parfait de la structure. Aujourd’hui, elle est régulièrement remplacée par une dalle en couverture. Si les murets maçonnés au mortier de chaux et au sable datent du XIXe siècle, les murets en pierre sèche (sans mortier) peuvent remonter à plusieurs siècles.

Muret, porte et escalier du clos de la Chatenière, premier cru de Saint-Aubin (Côte de Beaune). Le nom de ce climat aujourd’hui planté de vieilles vignes rappelle la présence de châtaigniers, arbres très rares sur les sols calcaires de la Côte-d’Or. Tout au long de la Côte viticole, on peut véritablement parler d’un « terroir de la pierre » puisque les hommes qui ont cultivé le sol ont aussi exploité de multiples « perrières ». La pierre calcaire ainsi extraite se retrouve aujourd’hui dans les bâtis vignerons (murs, meurgers, cabottes, maisons, celliers…), donnant au paysage un cachet minéral particulier.

Muret, porte et escalier du clos de la Chatenière,
premier cru de Saint-Aubin (Côte de Beaune).

Cabottes et abris

Grande hutte minérale recouverte de laves ou simple abri aménagé dans un mur, ces cabanes en pierres sèches servaient de réserve d’outils ou d’abri au vigneron en cas d’intempéries. On retrouve de nombreux exemples de ces constructions sur tout le territoire, selon des formes plus ou moins élaborées. Certaines sont de plan circulaire (Pernand-Vergelesses, Saint-Aubin, Beaune, Brochon) ou semi-circulaires (Aloxe-Corton, Dezize-lès-Maranges). D’autres présentent un plan carré (Pernand-Vergelesses, Saint-Aubin) voire rectangulaire (Sampigny-lès-Maranges).

Cabotte traditionnelle sur le climat Les Pertuisots (Beaune premier cru). Comme toutes les autres cabanes en pierres sèches (sans liant) de la Côte, son ouverture est tournée vers l’est, à l’abri du coteau et des pluies dominantes. Son toit en forme de dôme est caractéristique d’une couverture en encorbellement, chaque rangée de pierres plates se resserrant vers le centre au fur et à mesure de l’élévation des murs.

Cabotte traditionnelle sur le climat Les Pertuisots (Beaune premier cru).
Comme toutes les autres cabanes en pierres sèches (sans liant) de la Côte, son ouverture est tournée vers l’est, à l’abri du coteau et des pluies dominantes. Son toit en forme de dôme est caractéristique d’une couverture en encorbellement, chaque rangée de pierres plates se resserrant vers le centre au fur
et à mesure de l’élévation des murs.

Maisonnettes de vignes

Ces petites constructions maçonnées et couvertes de tuiles, parfois équipées d’un chéneau et d’une cheminée, ponctuent le paysage de leurs silhouettes qui émergent des vignes, parfois habillées du nom d’un domaine ou d’un climat peint sur leur pignon.

Bien gardée par une armée de piquets au garde-à-vous et un treillis de fils de fer luisants, une charmante maisonnette au toit pointu baigne dans la lumière hivernale d’Île des Vergelesses, climat premier cru sur la commune de Pernand-Vergelesses.

Bien gardée par une armée de piquets au garde-à-vous et un treillis de fils de fer luisants, une charmante maisonnette au toit pointu baigne dans la lumière hivernale d’Île des Vergelesses, climat premier cru sur la commune de Pernand-Vergelesses.

Portes de clos

Signe ostentatoire de richesse, les deux entrées des clos gardent le nec plus ultra des climats : porche pour les voitures à cheval ou porte plus modeste pour le vigneron, ces réalisations sont l’occasion d’un remarquable travail de composition, de taille et de marquage de la pierre.

Au cœur de l’appellation Pommard premier cru « Les Pézerolles », l’ancien clos des Pézerolles donne des vins fins et féminins, proches des volnays. Son nom viendrait de l’ancien français Poizerolles qui signifiait « pois-chiche » car on cultivait probablement ce légume à côté de la vigne à l’époque médiévale.

Au cœur de l’appellation Pommard premier cru « Les Pézerolles », l’ancien clos des Pézerolles donne des vins fins et féminins, proches des volnays. Son nom viendrait de l’ancien français Poizerolles qui signifiait « pois-chiche » car on cultivait probablement ce légume à côté de la vigne à l’époque médiévale.

Croix et calvaires

Croix de chemin ou de carrefour, croix commémorative ou votive, mais également calvaires et croix de cimetière se retrouvent en abondance en bordure des chemins de vignes. En pays vigneron, le secours des saints patrons est toujours le bienvenu…

L’emblématique croix dite « de Charlemagne », sur la commune d’Aloxe-Corton, au pied de la butte de Corton, encerclée par les vignes de la fameuse appellation grand cru Corton-Charlemagne (voir plan large page suivante).

L’emblématique croix dite « de Charlemagne », sur la commune d’Aloxe-Corton, au pied de la butte de Corton, encerclée par les vignes de la fameuse appellation grand cru Corton-Charlemagne.

Et aussi

Chapelles ou lavoirs, moulins et pigeonniers, bornes ou escaliers… La pierre sèche se décline à l’envi sur les climats du vignoble de Bourgogne comme dans les villages viticoles de la Côte.