— François Rebsamen l’a clairement annoncé : il vise une action inaugurale de la Cité internationale de la gastronomie et du vin le 21 décembre 2021. À la marge du symbolisme de cette date, il est bon de revenir sur l’historique du projet et des enjeux qu’il représente pour le désormais universel Repas gastronomique des Français. Maintenant qu’on en connaît le menu, on a hâte de passer à table.

Le 16 novembre 2010 est une date capitale pour le Repas gastronomique des Français. Il fait son entrée au panthéon de la culture. Le voilà inscrit au patrimoine immatériel de l’Unesco. Le président de la République Nicolas Sarkozy, bien qu’il ne soit pas réputé pour son coup de fourchette, contrairement à d’autres de ses prédécesseurs, est pourtant à l’origine de cette fabuleuse mise en lumière du comportement de tout un peuple. Il a voulu cette universalité car le Français aime manger, et quand il mange, il parle de ce qu’il va manger plus tard. Une attitude aux frontières de la pathologie.

Au pays du guide rouge, la table est un rendez-vous de facture patrimoniale. Cette sacralisation mondiale de nos rites vient à point nommé pour mettre sous cloche ce qui nous distingue du reste du monde, et qui pourrait être menacé par ce même monde de plus en plus pressé et pressant, irrémédiablement « mondialisateur ». Héritant de l’assiette présidentielle du frugal « Sarko », plus gourmand aussi, François Hollande propose alors son menu. Un appel à projet est lancé pour désigner la ville qui sera proclamée Cité de la gastronomie, pour devenir l’étendard international du Repas gastronomique des Français.

L’ESSENTIEL DE LA CITÉ DE LA GASTRONOMIE DE DIJON
1. Pôle Vitagora et Foodtech
2. Hôtel 4 étoiles (125 chambres), restaurant, spa
3. 90 logements aménagés par le groupe François 1er
4 et 8. 1750 m2d’expositions permanente et temporaire, boutique/atelier
5. Centre d’interprétation de l’architecture et du patrimoine.
6. École de cuisine-pâtisserie Ferrandi Paris.
7. Ateliers dégustation par l’École des Vins de Bourgogne
9. Multiplexe ciné (Ciné Ducs) et cinéma art et essai (Supernova), 13 salles au total
10. Village commercial (5000 m2) dont Librairie gourmande
11. Éco-quartier et parc de 3,5 ha (env. 600 logements)

À Lyon, les couverts sont rangés

Après un premier tour très disputé, à la stupéfaction générale, il est décidé de ne pas décider d’une seule cité, mais de quatre. Il faudra faire avec. Chacune de ces destinations, si on la prend séparément, a de sérieux arguments à faire valoir. Tours fait immédiatement référence à Rabelais, Rungis n’est autre que le plus grand marché de produits frais au monde, Lyon n’a pas besoin de vanter sa réputation de métropole gourmande. Quant à Dijon, elle n’est autre que la capitale de la Bourgogne, devenue en même temps le point de départ de la route des Climats de Bourgogne, eux aussi inscrits au patrimoine mondial. Ces derniers donneront ainsi naissance, en 2022, à un trio de cités dédiées aux vins de Bourgogne à Beaune, Chablis et Mâcon.

Depuis, chacun a tracé sa route, avec plus ou moins de conviction et de réussite. Dans le Centre-Val de Loire, après une période silencieuse, on investit tout juste 3 millions d’euros dans la rénovation de la Villa Rabelais, pour en faire une Maison des cultures gastronomiques qui s’appuiera sur une stratégie de chefs en résidence. Paris-Rungis nourrit ses espoirs autour du numérique et des formations, mais le projet n’entrera pas en phase de réalisation avant 2024. Lyon a échoué. Sous la gouvernance de Gérard Collomb, l’empressement a fait place à une scénographie poussive, pour ne pas dire bâclée. Covid et chambardement des élections municipales vont conduire le projet à sa faillite. Les couverts sont rangés dans les placards.

Personne ne sait si la cité lyonnaise renaitra de ses centres. Mais l’échec subi donne tout à coup un éclairage nouveau sur le projet dijonnais, en même temps qu’il incite à la prudence. D’autant que la Cité de la Gastronomie et du Vin de Dijon s’est un temps enlisée dans des débats politiques. Elle a toutefois en sa faveur ses liens indéfectibles avec l’impressionnant projet d’aménagement de l’entrée sud de la métropole, qui constituent une obligation de réussite.

Du jamais bu !

Le site choisi est idéalement placé, au cœur de l’impressionnant chantier confié à Eiffage. 500 logements écoresponsables, un grand complexe cinématographique, un hôtel haut de gamme, une galerie commerciale qui accueillera notamment la Librairie gourmande et l’école Ferrandi : tout cela sera l’écrin de la fameuse cité incarnée, dès son accès, par un énorme cube jaillissant de l’hôpital, en vis-à-vis de la rue Monge, future artère d’accès au centre-ville de Dijon. La proposition culturelle et la dimension gourmande seront déterminantes. Dans un espace dédié, l’exposition permanente fera l’inventaire des caractéristiques du Repas des Français. Sur 2500 m2, les scénographes ont déjà concocté un univers à la fois futuriste, ludique, technologique et pédagogique, impliquant le visiteur dans une interactivité qui le mènera au terme du grand voyage, face à la réalisation d’un plat. L’art du bien manger et du bien boire, en France, a une dimension sociétale. Il sera le fil rouge de l’exposition. Dans l’ancienne chapelle de l’hôpital, lieu symbolique de la vie dijonnaise, se tiendra une exposition temporaire, renouvelable tous les deux ou trois ans. La première sera consacrée à la pâtisserie. À l’autre bout de la visite, dans l’espace commercial, on compte beaucoup sur les investissements privés du groupe familial K-Rei et une cave à vins de 2500 références, avec pas moins de 250 œnomatiques pour le service au verre. Du jamais vu, du jamais bu !

Depuis le bas de la rue Monge, on distingue l’ancienne chapelle de l’hôpital général de Dijon, devenue Maison du projet de la Cité de la gastronomie et des vins.

21/11/2021

La crise sanitaire a mis le doigt sur la nécessité de réveiller nos circuits courts, l’urgence que nous avons à renouer avec le bon sens et la préservation de notre environnement. Cette situation donne des calories au projet. Des échanges ont aussi été entrepris avec Beaune, pour que les deux cités s’appuient l’une sur l’autre et constituent, en complémentarité, une force attractive internationale pour la Bourgogne. Après une période de débats sur le terrain politique, alourdie une fois encore par le traumatisme sanitaire, la phase active de la réalisation de la CIGV semble bien engagée.

Ce projet sur lequel la Métropole a misé un peu moins de 20 millions d’euros, avec le concours notamment de la Région Bourgogne-Franche-Comté, devrait donner lieu à un acte inaugural le 21 décembre 2021. François Rebsamen en personne en a fait l’annonce. Il conviendra désormais d’en affiner la gouvernance, tout en prenant en compte les recommandations du Comité d’orientation stratégique composé de personnalités attachées au projet, avec un modèle économique qui pourra assurer la pleine attractivité de la Cité de la Gastronomie et du vin de Dijon. En la matière, la barre est haute. En incluant la partie cinématographique et l’espace commercial, on évoque le million de visiteurs à l’année… Il n’y a pas de bon repas sans appétit.    —