Le regroupement des deux chambres de commerce et d’industrie de Côte-d’Or et de Saône-et-Loire s’appuie sur de nombreux dossiers communs. Parmi eux, deux enjeux de taille : le multimodal et la transition écologique. « 1 port, 3 quais » en est l’expression stratégique au cœur de la dynamique consulaire impulsée par Pascal Gautheron. Entretien avec le capitaine-président.
Au quotidien, la mission continue. La CCI Côte-d’Or – Saône-et-Loire a digéré sa période de réunion, dans un contexte de défi pour les établissements consulaires. Avec moins de réserves et encore moins de ressources, cette dernière se met finalement au diapason de ses protégées, les entreprises, avec l’obligation de trouver de nouvelles marges, de construire de nouvelles prestations, pour mieux servir l’intérêt économique.
« Un rapprochement réussi, assure Pascal Gautheron. L’ensemble représente 250 personnes et l’anticipation des effets de la pyramide des âges a permis de gérer sans brutalité notre consolidation. » Le capitaine-président compose avec une nouvelle donne : sur un budget de 30 millions d’euros, 17 % de recettes fiscales en tout et pour tout, une des plus basses du territoire, et « pas de plan social ». Le tout accompagné, à la barre, d’une myriade d’économies et d’une optimisation de la rentabilité immobilière de la chambre.
1 port, 3 quais
La nouvelle gouvernance de la CCI Côte-d’Or – Saône-et-Loire repose sur une assemblée de 50 élus (deux fois moins qu’avant), répartie équitablement entre le 71 et le 21. La complémentarité et la similitude de tailles des deux territoires favorisent, il est vrai, la mise en place d’une mécanique bien huilée.
Plus industrielle au sud, plus tertiaire au nord, la « super CCI » s’autorise une transversalité nouvelle, qui doit séduire celles qu’elle ose désormais appeler ses « clients » et qu’elle place au centre du projet : les collectivités et les TPE/PME. En commercial assumé de l’ensemble, Pascal Gautheron a quant à lui investi pour s’offrir un dressing comprenant au moins trois vestes différemment signées au col : une pour la Saône-et-Loire, une pour la Côte-d’Or et une pour la Métropole. La diplomatie territoriale s’habille aussi d’humour.
Son atout est d’ailleurs de bien connaître l’ensemble du territoire reconstitué. Natif de la Bresse bourguignonne, c’est principalement à Dijon qu’il a créé et développé le groupe Fimadev, spécialisé dans la relation clients et les centres d’appels.
Parmi les nombreux dossiers à l’ordre du jour, il en est un qui marie les stratégies industrielles et environnementales à la nouvelle donne territoriale : le développement autour de BFC multimodal. Une proposition biblique (« 1 port, 3 quais »), qui s’appuie sur trois plateformes portuaires multimodales à Pagny-le-Château, Chalon-sur-Saône et Mâcon.
Réduire les émissions de CO2
Le bon sens fixe le cap. « L’affrètement d’un train de marchandises sur nos ports représente la décarbonation de 40 camions », résume le président de la chambre, qui vise « la création d’un écosystème favorable à une alternative à l’engorgement de Lyon, en panne de foncier ».
Pour la bonne marche du projet, BFC multimodal s’appuie sur ses trois plateformes portuaires : celle de Mâcon, celle de Chalon, dont se posent les conditions de renouvellement de la concession en 2026, et celle de Pagny, la CCI Côte-d’Or – Saône-et-Loire étant candidate à sa propre succession dans la gestion de la DSP du port côte-d’orien.
L’ensemble pèse de plus en plus lourd sur le marché. En 2022, il a franchi le cap des 100 000 conteneurs et remorques manutentionnées. En 2023, on parle de 20 000 remorques transportées sur des trains, le fameux ferroutage, grâce notamment à l’autoroute ferroviaire qui circule depuis la plateforme portuaire de Mâcon. En langage plus prosaïque, la CCI annonce « une économie d’au moins 50 000 tonnes de rejet en CO2 ».
Paradoxe s’il en est, l’usine Michelin de Blanzy, qui fabrique pourtant des pneus, adhère à ces nouvelles prestations de transport et de logistique. Elle a confié à la CCI un important marché de transport de caoutchouc naturel, acheminé par voie d’eau. À la fin de l’année dernière, la délivrance d’un certificat de sécurité permettant à la CCI de devenir une entreprise ferroviaire a aussi ouvert la possibilité d’opérer sur le très courtisé RFN (Réseau Ferré National). D’une voie à l’autre, l’évolution respire le bon sens.
Soldat de l’État
Pour autant, la CCI « demeure le soldat de l’État », surfant sur les effets inattendus du Covid qui ont révélé son indispensabilité. En pleine crise énergétique, sa mission de soutien perdure : « C’est une préoccupation de chaque instant. 20 % des entreprises en France pourraient ne pas être en capacité de payer leur facture d’électricité et se mettre en grave difficulté. Avec la CCIR, nous avons mis en œuvre PERF, un programme régional complet d’accompagnement pour leur permettre de diagnostiquer leurs consommations énergétiques, avec préconisations, plans d’actions et mobilisation de subventions pour financer les équipements nécessaires. »
La toile consulaire est donc vaste et tentaculaire. Elle se lit dans le succès spectaculaire de Burgundy School of Business (la CCI en est actionnaire à 98 %), qui gère 3 500 apprenants et prendra pied prochainement sur 8 500 m2 à Lyon. Elle s’exprime dans une démarche RSE qui implique la gestion responsable de son patrimoine. Elle se mesure à sa capacité de réaction quand il s’agit, par exemple, de se joindre aux autres forces territoriales bourguignonnes et rhônalpines pour participer au sauvetage du couvoir de Béchanne, en Bresse, et ses 800 000 poussins annuels.
Une affaire sensible pour la filière volaille de Bresse, qui a particulièrement mobilisé le président Pascal Gautheron. Logique, le capitaine bressan sait où il va mais il n’oublie jamais d’où il vient.