Vincent Clément est né dans le milieu de la fourrure, à Chalon-sur-Saône. Il est maintenant le patron de l’Athenæum à Beaune, considéré comme le temple mondial de « l’œnolittérature », jadis imaginé par le créateur de Patriarche et de Kriter, André Boisseaux. Rencontre avec un libraire XXL.
Par Dominique Bruillot
Photo : Christophe Remondière
Attention, un destin peut en cacher un autre. Au début du XXème siècle, à Chalon-sur-Saône, les fourrures Clément profitent d’une époque où la fourrure est l’expression de l’élégance et du raffinement. L’arrière-grand-père de Vincent est alors un artisan dans toute l’acception du terme. Il y aura même jusqu’à une quarantaine de personnes pour, dans un process quasi religieux, faire le plus beau manteau de ces dames dans une ville réputée pour ses sauvagines. 2012. Vincent Clément reprend l’Athenaeum à Beaune, créé près d’un quart de siècle plus tôt par André Boisseaux, le visionnaire fondateur du groupe Patriarche. Il n’est pas là par hasard, porté par son expérience de chef d’entreprise, sa passion pour le vin, et l’occasion rêvée de retrouver un terrain d’exception.
Le défi de la gestion, Vincent l’a connu en 2000, en rejoignant la maison Clément. « Une sœur médecin, un frère menuisier, ma place était là, même si je n’ai jamais eu de pression pour reprendre l’affaire familiale ». La fourrure n’est plus dans l’air du temps, elle hérisse de plus en plus les poils de ses ennemis. Clément ne fabrique plus mais représente un réseau de distribution qui, sur une proposition élargie de produits, comptera jusqu’à 18 points de vente. En 2006, Vincent cède l’entreprise en accord avec son père. « Nous étions devenus des commerçants, la maison Clément avait perdu de son âme… » Avec son épouse Caroline, il deviennent ensuite fleuristes, « un autre boulot passionnant au contact du produit frais », et installent deux magasins à Chalon-sur-Saône et Dijon sous la franchise Happy !
Du monde entier
Mais la passion du vin, le Chalonnais l’a en lui depuis bien plus longtemps. « J’ai grandi avec des copains de la Côte chalonnaise, durant les années lycée on pratiquait religieusement l’art de la dégustation ». Si bien qu’avant de reprendre l’Athnæeum, dans une période de transition, il s‘inscrira au CFFPA de Beaune et effectuera un stage chez Jean-Marc Pillot à Chassagne-Montrachet, titillé par l’idée éventuelle de reprendre un domaine viticole. L’Athenæum est donc arrivé comme un nouveau chapitre cohérent à écrire dans le livre de sa vie.
Tout en vouant un immense respect pour l’œuvre d’André Boisseaux et le travail remarquable de son équipe composée d’une vingtaine de collaborateurs, le nouveau libraire XXL imprime sa marque. Un management différent, plus « artisanal » et donc beaucoup plus basé sur la polyvalence et la solidarité de l’équipe, change les règles en interne. Côté vins, libéré de la mainmise d’une marque unique, il multiplie les références, car « l’offre du vin doit fonctionner comme l’offre du libraire, comme un parcours pédagogique sur la Bourgogne que nous proposons à nos visiteurs »
Ces visiteurs viennent du monde entier. On trouvera nulle part ailleurs ce que l’on trouvera ici, les amateurs éclairés du vin le savent. Le touriste et le Bourguignon en quête de cadeaux et de souvenirs y trouvent aussi leur compte, tant la diversité des objets que le vin inspire est incroyable. Le tout dernier bijou technologique qui carafe un vin en deux minutes côtoie le meilleur livre du vin au monde, le plus insolite des objets et la plus précieuse représentation cartographique des climats. Le vin est un produit culturel, l’Athenæum le prouve par une dimension hors normes et des chiffres record.
En 2015, Vincent Clément a ainsi fait les comptes : 3 000 livres différents sur le vin, pas loin de 30 000 références dans les rayons, plus de 70 000 cartes postales et 4 000 cartes viticoles diffusées, près de 21 000 bouteilles vendues et, pour la bonne bouche, 3 788 tire-bouchons qui ont trouvé propriétaires par son intermédiaire. Qui dit mieux ?