Les autoroutes APRR et AREA en ont fait le programme le plus important jamais réalisé en France. Plus de 80 millions d’euros investis pour la construction simultanée de 19 nouveaux écoponts sur son réseau, pour faciliter la circulation des animaux. Décryptage avec François Pich, chef du service environnement du groupe autoroutier basé à Saint-Apollinaire.
Par définition, les autoroutes sont cloisonnées. Nul besoin d’en développer les raisons. La résolution d’un problème créant généralement un autre problème, nos animaux, petits et grands, se sont retrouvés face à des barrières difficiles à franchir. En les protégeant du flot de circulation (et vice-versa) on les a privés de leurs parcours migratoires.
C’est ainsi que naquirent les écoponts. Sur les réseaux APRR et AREA, le premier passage à faune a été construit en 1960, alors que l’autoroute était sous contrôle de l’État. L’édifice permet aux cervidés, les premiers ciblés, et à tous leurs petits copains à quatre pattes d’aller et venir comme ils l’entendent. Une centaine de ces « grands ponts végétalisés et arborés qui surplombent l’autoroute, conçus comme une prolongation de l’écosystème environnant afin de respecter les habitudes des animaux » ont ainsi vu le jour dans les années suivantes.
Identifier les enjeux
Mais en 2022, le groupe autoroutier APRR a décidé de passer à la vitesse supérieure, avec la construction de 19 écoponts pour un montant moyen de 4,4 millions d’euros l’unité. Quand on aime, on ne compte pas. Vu d’en bas, cela peut avoir l’air simple. « Mais ces aménagements sont savamment pensés, explique-t-on chez APRR et AREA, avec un passage central très ouvert, offrant une excellente visibilité pour les cerfs, chevreuils et autres sangliers ; des haies sur le côté pour les petits mammifères ; des hibernaculum pour le repos des reptiles ; des amas végétaux appelés andains pour la petite faune terrestre et les insectes. » Cerise sur le gâteau, l’ajout de plantes comestibles permet à ces migrants de se sustenter.
François Pich est chef du service environnement pour APRR et AREA. « Notre but est aussi d’identifier les enjeux environnementaux et de les intégrer à notre projet », commente celui qui supervise particulièrement en ce moment la dimension « adaptation environnementale » d’un programme ambitieux de plus de 80 millions d’euros, portant à 119 le nombre d’écoponts sur un réseau de 2 400 kilomètres.
Experts animaliers, faunistes, paysagistes, botanistes, éthologues et autres techniciens du vivant ont été mobilisés en amont, pour une observation précise de ce monde vivant incroyable, qui implique de nombreuses espèces et dont le cycle biologique demande inévitablement des réponses adaptées. La biodiversité, si agréable à admirer, n’est jamais simple dans son fonctionnement.
Outils d’observation
Détail qui n’en est pas un : les animaux ne voient pas l’autoroute, la lumière des véhicules les perturbe moins. La faune naturelle et la faune motorisée se croisent… sans se voir. Et la sécurité de chacun est préservée. « Nous avons dressé des palissades avec des écrans occultants », précise François Pich, qui consacre aussi une partie de son temps à détecter des problématiques qui demandent un œil d’expert et dépasse le seul périmètre des écoponts. Il arrive parfois de constater, sur un viaduc, une anfractuosité qui incite la chauve-souris à en faire son refuge. On doit alors la rendre imperméable, pour le bien de l’animal. Parfois aussi, on perce en sous-sol pour y glisser une buse sous l’autoroute, et permettre le passage du blaireau et du sanglier ou de tout autre animal qui a la chance de ne pas être… claustrophobe.
Les écoponts, quant à eux, deviennent de beaux outils d’observation. Des caméras dissimulées se déclenchent à chaque passage et les comptabilisent. Des dispositifs de suivi des passages de la faune complètent l’information. « On fait appel à l’ADN écologique, on prélève de l’eau et on l’envoie au labo, cela permet de détecter la présence de petits spécimens comme certaines espèces de triton », poursuit le spécialiste. L’écopont peut aussi être favorable au déplacement des… chauve-souris. « Elles ont en effet besoin d’être guidées par des structures qui renvoient les ultra-sons émis et qui lui permettent de s’orienter, l’écopont recrée cela. » Plus vivant que l’écopont, c’est une évidence, y’a pas !