Produire les plus grands vins du monde implique de pouvoir les mettre en valeur sur la table. Il n’y a donc pas de hasard si la côte viticole fait briller les étoiles. En voici dix sur la Route des grands crus ou jamais très loin, avec une mention spéciale pour Beaune qui cumule les grandes adresses. Dont la plus grande de toutes pour commencer.

Par Fidel Gastro 

Eric Pras

Eric Pras ©Clément Bonvalot

Eric Pras. © Clément Bonvalot

Le nouveau boss

Lameloise, un peu comme Loiseau, ce nom mériterait d’être protégé par l’INPI. Quand Frédéric Lamy, neveu de Jacques Lameloise, reprend en 2009 l’ancien relais de poste jadis fréquenté par les ducs, son souci fut d’abord de maintenir le cap des trois étoiles. Avec Eric Pras au piano, un ancien second du grand Régis Marcon, il y avait du génie dans l’air. Chagny, la ville cheminote allait garder son rang sur la voie de la haute gastronomie.

Sept ans après, les trois macarons sont là et toujours là. De l’avis même des Bourguignons, finalement les mieux concernés, le chef en place fait des miracles. Idolâtré par les internautes de Tripadvisor qui mettent la maison au sommet mondial, salué par ses pairs, il applique sans exubérance et avec une rigueur implacable les recettes de la haute gastronomie. Et comme le vin est toujours à la hauteur, dans cette aristocratique mais conviviale maison, le reste est dans l’assiette. Bravo encore au plus titré de tous les établissements bourguignons, qui se trouve en Saône-et-Loire, certes, mais à 20 minutes seulement de Beaune. Le boss, c’est lui.

♦ Lameloise, 36 place d’Armes, Chagny – 03.85.87.65.65

Philippe Augé

Philippe Augé ©Côte d'Or Tourisme

Philippe Augé. © Côte d’Or Tourisme

Fidèle à sa Bouzaize

Ah, la belle Hostellerie de Levernois, reprise avec brio par Jean-Louis et Suzanne Bottigliero, un couple expert dans le monde de l’hôtellerie haut de gamme ! Avec son air de campagne tranquille, traversée par la Bouzaize, aux portes de Beaune, le célèbre magazine de tourisme Travel & Leisure l’a élue « meilleur complexe hôtelier de France ». En cuisine, la réputation suit. Complice talentueux de ses protecteurs, Philippe Augé y livre une cuisine sérieuse et en même temps créative, où les accents méditérranéens se mêlent aux références bourguignonnes. Y avoir accès sans trop bourse délier c’est possible. Avec 30 euros en poche on peut s’offrir un aperçu de la dimension gastronomique de la maison au Bistrot au bord de l’eau, installé dans les anciennes cuisines de la bâtisse historique. Que du bonheur.

♦ Hostellerie Levernois, rue du Golf, Levernois – 03.80.24.73.58

Christophe Bocquillon

Christophe Bocquillon ©Michel Joly

Christophe Bocquillon. © Michel Joly

L’audace retrouvée

L’ancien second de Roland Chanliaud a renoué avec l’étoile. Juste récompense pour ce Haut-Marnais, disciple d’Escoffier qui a su en quelques années remettre l’église de la réputation au milieu de son village savoureux en proposant une cuisine conçue en circuit court avec ses fournisseurs, et un slogan qui ne souffre pas la contestaton : « la vérité est dans l’assiette ». L’audace et la modernité sont convoquées, assumées par le chef qui s’entiche d’un turbot pour les grandes occasions tout en sachant mitonner, à la demande, une pomme de ris de veau rôtie. Classique en apparence mais pas tant que cela quand on l’a en bouche.

♦ Le Jardin des remparts, 10 rue de l’Hôtel de Dieu, Beaune – 03.80.24.79.41 

Luc Filoé

Chef des blancs

Luc Filoé ©Le Montrachet

Luc Filoé. © Le Montrachet

Au pays des grands blancs, la belle adresse assume son rang dans la discrétion. Les amoureux du vin le savent, tant la carte est généreuse, digne du nom que porte l’établissement. À table, l’été par exemple, c’est daurade royale marinée et pommes de terre grenaille. Simple dans l’expression, efficace et précis dans la réalisation, mémorable une fois servi. Luc Filoé fait le job, sans chercher midi à quatorze heures, avec régularité, ce que Bibendum a compris en greffant un macaron à son travail. De plus, la maison a l’esprit ouvert. Accrochée à sa Côte de Beaune comme peut l’être la moule sur le rocher, elle est force de propositions pour des escapades savoureuses dans le terroir. Sans partage, on est rien.

♦ Le Montrachet, 10 place du Pasquier de la Fontaine, Puligny-Montrachet – 03.80.21.30.06

Mourad Haddouche

Mourad Haddouche ©Michel Joly

Mourad Haddouche. © Michel Joly

Loiseau méditerranéen

La belle personnalité de Mourad Haddouche fait les beaux jours de l’antenne beaunoise de la maison Loiseau. Précuseur dans le service au verre des grands vins (après tout, on est à Beaune), l’établissement adossé au prestigieux Hôtel Le Cep, propose pas moins de 70 crus au verre, de 5 à 45 euros, sans altérer la conservation et la qualité. Le pari n’aurait pas été aussi finement joué sans une cuisine à la hauteur. Mourad aime glisser ses origines dans ses plats, il n’en demeure pas moins respectueux des codes de la grande Bourgogne. Cette douce alchimie est la signature d’une grande table, très accessible le midi (formule à 23 euros), divinement appréciée quand on s’attaque par exemple au homard bleu laqué au soja 3 ans d’âge. Un voyage de plus en perspective.

♦ Loiseau des Vignes, 31 rue Maufoux, Beaune – 03.80.24.12.06

Laurent Peugeot ©Bourgogne Tourisme

Laurent Peugeot. © Bourgogne Tourisme

Laurent Peugeot

Sacré Charlemagne !

Sans doute le plus prolifique des chefs de la Côte. Irrémédiablement habité par les saveurs du Pays du soleil Levant. Non content d’avoir mis le Japon au cœur de Beaune avec ses adresses secondaires, il tient le cap du Charlemagne avec un cuisine qu’il définit luimême comme « fusionnelle ». Laurent Peugeot est un fou furieux dans son genre. L’incitation au voyage est sa vocation, sa table en est le véhicule. Au pied du magnifique village de PernandVergelesses, face à la butte de Corton, le sandre s’amourache d’un ruban de racines en tsukemono et, malgré tout, les escargots de Bourgogne de l’ail des ours. Si on ne sait plus où on habite après ça, autant boire un blanc du cru, car « Pernand je bois, verre je laisse ». Et la fête est complète.

♦ Le Charlemagne, 1 rue des Vergelesses, Pernand-Vergelesses – 03.80.21.51.45, 

Edouard Mignot & Emilie Rey

©Clément Bonvalot

© Clément Bonvalot

L’envie de couple

Le jazz donne le ton. Dans la rassurante maison de leur village, Edouard Mignot et Emilie Ray (Ed.Em) jouent du piano en harmonie. Le jeune couple a repris le Chassagne il y a quelques années, non sans prendre le risque de ne pas tenir le tempo d’une table confidentielle en apparence, mais réputée auprès de ses fidèles. L’étoile Michelin n’est pas la seule consécration de leur numéro de duettistes. Fans de l’improvisation, le cuisinier et la pâtissière réinventent leurs propositions. Entre le pigeon du Louhannais et la traditionnelle volaille de bresse, judicieusement choisis, il leur arrive de servir un maigre sauvage confit à l’huile de pistache torréfiée avec quelques coques et feuilles de gaude. Ça swing bien dans le couple.

♦ Ed.Em, 4 impasse des Chenevottes, Chassagne-Montrachet – 03.80.21.94.94

Guillaume Royer ©Côte d'Or Tourisme

Guillaume Royer. © Côte-d’Or Tourisme

Guillaume Royer

De retour chez lui

Difficile d’évoquer l’Abbaye de la Bussière sans parler de sa singulière histoire. L’ancien lieu de patronnage que l’évêché ne pouvait plus conserver, faute de moyens, a été reprise il y a une dizaine d’années par les Cumings, des Anglais un peu fous, qui voulaient mettre leur patine british dans la vallée de l’Ouche, non sans provoquer quelques remous. C’est tellement réussi que l’hôtel brille par son prestige et la table par son étoile. Depuis cette année, c’est un enfant du pays, Guillaume Royer, qui a succédé à Emmanuel Hébrard, appelé à d’autres aventures dans son Auvergne natale. Entre la table gastronomique et le récent Bistrot des moines, le MOF propulse la perchette de Franche-Comté et le quasi de veau élevé sous la mère à leur meilleur niveau. Le tout dans un cadre délicieusement surprenant, qui mêle le gothique à quelques vieilles habitudes anglaises, on ne refait pas.

♦ Abbaye de la Bussière, route départementale 33, la Bussière-sur-Ouche – 03.80.49.02.29

Christophe Quéant

Christophe Quéant ©Michel Joly

Christophe Quéant. © Michel Joly

Bien en place

Loiseau des vignes puis le château de Pommard, ses deux anciennes adresses, plus ou moins bien vécues par lui, ont eu au moins le mérite de révéler son talent. Christophe Quéant a pourtant l’étoffe d’un grand, peut-être fallait-il lui laisser un espace à sa mesure et une vraie liberté pour s’exprimer pleinement. C’est chose faite depuis qu’il a élu domicile au Carmin. L’adresse, une « superbe maison de style Henri IV », immédiatement reconnue par le guide Michelin, lui a permis de conserver son étoile. Tout près des halles, le chef Quéant ne fait pas dans la dispersion, il joue sur des classiques (cuisses de grenouilles à la provençale, entrecôte de bœuf de Coutancie) avec son sens de la maîtrise et sa rigueur dans le choix des produits.

♦ Le Carmin, 4b Place Carnot, Beaune – 03.80.24.22.42

Keishi Sugimura

Keishi Sugimura ©Michel Joly

Keishi Sugimura. © Michel Joly

Digne successeur

Bruno Monnoir a passé la main, après de nombreuses années de bons et loyaux services. Mais pas n’importe comment. Keishi Sugimura est entré au Bénaton par la petite porte, en douceur, pour se faire la main et appréhender la spécificité du Bénaton, une adresse discrète qui avait ses fidèles, dont les inspecteurs du Michelin. Le second est désormais devenu le premier, et Keishi Sugimura n’a rien d’un lapin de six semaines en cuisine. C’est lui qui, en décembre 2013, est devenu vice-champion du monde du pâté en croûte. Avec un tel palmarès et une aussi bonne préparation, il ne fait pas de doute que le Bénaton va encore vendanger quelques louanges.

Le Benaton, 25 rue du faubourg Bretonniere, Beaune – 03.80.22.00.26