180 bus et 40 camions bennes à ordures vont prochainement rouler à l’hydrogène produit en circuit court. Une révolution urbaine qui place Dijon sur le podium de l’exemplarité verte. Pour en parler, le « Monsieur Environnement » de la métropole, Jean-Patrick Masson.

En ce printemps 2023, l’air s’allège et accueille l’arrivée de deux bennes à ordures ménagères flambant neuves. Un drôle de paradoxe en apparence. Oui et non, car ces deux bennes, parmi la quarantaine qui circulent dans l’agglomération, carburent à l’hydrogène. Jean-Patrick Masson suit le dossier avec passion. En charge de la transition écologique, le vice-président de Dijon Métropole place l’objectif H2 au sommet de ses priorités. L’hydrogène ne rejette que de l’eau. L’hydrogène c’est zéro bruit, zéro gaz à effet de serre. Là où il y a de l’hydrogène, il y a le plaisir… de mieux respirer. Ainsi que de gros investissements.

Rappel des faits. La collectivité génère des déchets qu’elle récupère et valorise dans un incinérateur producteur d’énergie. Ce qui lui permet de fabriquer le fameux H2 qu’elle stockera avant de le distribuer dans ses véhicules. 130 à 140 000 tonnes de détritus en tout genre ont leur terminus à la station de traitement au nord de Dijon. 

Brûlé ou recyclé

« L’usine incinère les déchets non recyclables de la quasi totalité des habitants du département », rappelle le Monsieur Environnement de la métropole. La chaleur produite a alors un double usage : alimenter le réseau de chauffage et faire tourner un turbo alternateur qui, lui-même, produit l’électricité nécessaire à l’électrolyse qui sépare l’hydrogène de l’oxygène. Comme dans les saintes écritures, l’eau fait encore et toujours des miracles.

Lorsque ce système énergétique en circuit court tournera en plein régime, le photovoltaïque local viendra à la rescousse des besoins en électricité. Car les bus sont aussi dans le viseur de cette stratégie verte et vertueuse. Il y en a 180. Chacun d’entre eux consomme environ 40 litres de carburant à l’heure. Est-il besoin d’en dire plus ? D’autant que le temps de charge d’un véhicule n’est pas vraiment un handicap. 10 à 15 minutes pour assurer 200 à 250 kilomètres d’autonomie à une benne. De quoi anticiper la bonne gestion du ballet permanent des éboueurs.

Il faut donc renouveler le parc, si nécessaire sur le mode du quoiqu’il en coûte. « De toute façon, nous avons l’obligation de changer régulièrement (ndlr, tous les 12 ans en moyenne) nos bus et nos camions ; en 2025, nous devrons aussi nous fixer sur la norme européenne, donc éliminer les énergies fossiles », rappelle Jean-Patrick Masson. Selon l’élu, « la France n’avance pas assez vite sur ce sujet. Malgré une volonté de l’État, de l’Europe et de l’Ademe (Agence de la transition écologique), nous sommes encore sur quelque chose de marginal ».

Acculturation positive

Dijon a pris les devants, avec de forts investissements, couverts par ses partenaires nationaux et européens, une centaine de millions d’euros en dix ans. Et une philosophie à la clé : « L’effort est non négligeable, mais comment prétendre être une métropole écologique sans faire d’effort ? » La métropole raisonne désormais en tonnes d’équivalents CO₂ évités. Elle fonctionne comme un grand laboratoire R&D qui fait le pari de l’avenir collectif, au nom des énergies nouvelles et de la mobilité douce.

Elle combat jusqu’à leur disparition les émissions de gaz à effet de serre. Elle joue au plus haut niveau de la compétition entre les villes qui maîtrisent le carbone, à l’instar de Nantes, Grenoble, Strasbourg, Angers ou Pau. La capitale béarnaise fut d’ailleurs la première à se positionner sur les bus à hydrogène (voir photo et légende explicative ci-dessus). Car l’air n’a pas de prix. Ou plutôt si, celui de la vie.

Ce circuit court optimisera le retour sur investissements et garantira une forme d’indépendance énergétique dont on devine déjà tout l’intérêt dans les années à venir. Le grand laboratoire urbain draine en même temps dans son sillage, des personnels dédiés. « La plupart des dossiers sont en anglais », résume avec amusement Jean-Patrick Masson.

Le recrutement et la formation sont donc au diapason de cette mutation. Sur le terrain de la connaissance et de l’intérêt professionnel, ce processus d’acculturation des énergies positives agit ailleurs que dans le réservoir de ses bus et de ses camions. Il traverse les esprits.


Fontaine d’Ouche, écoquartier modèle

Ville laboratoire, Dijon l’est encore avec le quartier Fontaine-d ’Ouche, choisi avec la ville de Turku en Finlande, pour piloter le programme européen Response, dans le but « de voir émerger des villes à énergie positive à l’horizon 2040 ». Contrairement à sa partenaire nordique, qui agit sur un quartier neuf, Dijon travaille sur 600 logements qui ont déjà leur propre histoire sociale. Et embarque dans un pari d’autoconsommation collective plus de 1  100 habitants, « qui vont devenir les acteurs de leur consommation d’énergie ». Armé de thermostats intelligents, de radiateurs et de détecteurs de fumée connectés, le citoyen locataire règle lui-même sa température, grâce à un système savamment étudié qui anticipe toute sorte de situation. De nombreux investissements portent aussi sur l’isolation. La rénovation énergétique du groupe scolaire Buffon (en photo ci-dessus), quant à elle, se veut exemplaire. Structure en canopée constituée de bois jurassiens, doublement de la surface des panneaux solaires, bâtiment raccordé à une réseau de chaleur avec fort taux d’énergie renouvelable, achat de biométhanes et stockage thermique en soutien, sondes intelligentes extérieures avec mise en place d’un système adapté : les planètes sont alignées pour une opération test de cinq ans, qui a démarré en octobre 2020. « Nous sommes au milieu du gué, analyse Jean-Patrick Masson, mais les premiers constats sont très encourageants ». Rendez-vous en 2025 pour un bilan général.